Ville de Montréal

Montréal a adopté un règlement qui interdit les appareils de chauffage qui émettent des GES tels que ceux fonctionnant avec un combustible comme le mazout ou le gaz dans les nouvelles constructions des secteurs résidentiels, commerciaux et institutionnels.

Pour nous donner plus de détail, la Ville de Montréal nous a fait parvenir un résumé d’entrevue avec Jonathan Théorêt, chef de division Transport, Énergie et Bâtiments au Bureau de la transition écologique de la résilience (BTER)  :

ASHRAE-Montréal : Bonjour Jonathan, merci de nous accorder cette entrevue. Pour commencer, où pouvons-nous trouver des informations sur le nouveau règlement concernant les appareils de chauffage émettant des gaz à effet de serre (GES) dû à la combustion à Montréal ?

Jonathan Théorêt : Vous pouvez trouver toutes les informations sur le site Internet de Montréal.ca à l’adresse suivante : Nouveaux bâtiments, interdiction des appareils de chauffage à combustion | Ville de Montréal (montreal.ca)
ASHRAE-Montréal : Pourquoi la Ville a adopté ce règlement ?

Jonathan Théorêt :  Depuis 2013, les émissions de GES de la collectivité montréalaise varient légèrement d’une année à l’autre, sans qu’une tendance claire à la baisse puisse se dégager. Les GES qui sont émis par les bâtiments commerciaux, résidentiels ou institutionnels constituent environ 25 % des émissions de GES de l’agglomération[1].

Concernant l’opération des bâtiments (de leur fonctionnement régulier, par opposition à leur construction ou à leur fin de vie), les GES sont principalement émis par le chauffage de l’air ou de l’eau à partir de combustibles fossiles. Cependant, les réductions de GES réalisées dans le secteur des bâtiments depuis 1990, expliquées en large partie par l’abandon du mazout, sont insuffisantes pour et l’atteinte de nos cibles. Le graphique suivant démontre que la grande majorité des émissions opérationnelles des bâtiments de l’agglomération montréalais proviennent de la combustion du gaz naturel fossile.

Pour accélérer la cadence, Montréal s’est dotée d’une feuille de route pour la décarbonation des bâtiments d’ici 2040. Elle a ainsi devancé de 10 ans sa cible pour les bâtiments initialement prévue pour 2050 dans son Plan climat. La première étape cruciale consiste à augmenter collectivement les attentes quant à la façon dont les bâtiments peuvent et doivent être construits.

Chaque nouvelle construction doit être une opportunité de répondre à l’objectif de carboneutralité, de résilience et d’efficacité énergétique. Il est important de bien saisir l’ampleur de la tâche, à savoir que la construction de nouveaux bâtiments zéro émission n’est pas encore la norme en 2024 au Québec malgré les efforts déployés par les intervenants de l’industrie et leur bonne volonté. Afin de répondre à l’urgence climatique et afin de s’assurer que les nouveaux bâtiments sont sans émission, Montréal agit dès maintenant avec l’adoption de ce règlement qui interdit l’ajout de nouvelles sources d’émissions de GES provenant du chauffage des bâtiments et contribue ainsi à l’atteinte de la cible de réduction montréalaise de -55 % en 2030.  
ASHRAE-Montréal : Pouvez-vous nous expliquer brièvement en quoi consiste le règlement sur les émissions de GES des nouveaux bâtiments ?
Jonathan Théorêt : Le règlement interdit d’installer, de faire installer ou de permettre que soit installé un appareil de chauffage émettant des GES attribuables à la combustion, tel que ceux fonctionnant avec un combustible comme le mazout ou le gaz, dans les nouvelles constructions des secteurs résidentiels, commerciaux et institutionnels. Les appareils interdits sont à des fins de cuisson d’aliments, de séchage de vêtements et de chauffage d’espace et d’eau, incluant l’eau des accessoires tels une piscine et un spa. Celui-ci prévoit des exceptions, notamment pour les nouveaux grands bâtiments, lesquels pourront en installer à condition de démontrer que les émissions de GES correspondantes proviennent uniquement de gaz de source renouvelable.
ASHRAE-Montréal : Quels sont les projets de construction assujettis à ce règlement ?
Jonathan Théorêt : Tous les projets de construction de nouveaux bâtiments pour lesquels une demande de permis de construction complète et conforme est déposée à compter du 1er octobre 2024 pour les petits bâtiments, et à compter du 1er avril 2025 pour tout autre nouveau bâtiment.
ASHRAE-Montréal : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un petit bâtiment ?
Jonathan Théorêt : Un petit bâtiment est défini par le Code national du bâtiment (CNB) comme un bâtiment d’une hauteur d’au plus 3 étages et d’une aire de bâtiment d’au plus 600 m².

Figure : Caractéristiques d’un petit bâtiment, tel que défini par le CNB. L’aire de bâtiment = LxW (source : Figure 9.1-2 Détermination de la hauteur et de l’aire d’un bâtiment [article 1.3.3.3., division A CNB]

Tout ce qui n’est pas considéré comme un petit bâtiment est donc interprété comme un grand bâtiment
ASHRAE-Montréal : À qui s’adresse ce nouveau règlement ?

Jonathan Théorêt : Il s’adresse à tous les propriétaires ou promoteurs immobiliers qui planifient de construire un ou plusieurs bâtiments résidentiels, commerciaux ou institutionnels sur le territoire de la Ville de Montréal et ses 19 arrondissements.

Soulignons que ce règlement ne s’adresse ni aux bâtiments existants ni aux bâtiments industriels. Il vise spécifiquement les émissions de GES de chauffage dans les nouvelles constructions. Par ailleurs, il permet l’utilisation des appareils de cuisson à combustion dans les établissements commerciaux tels qu’une cuisinière, une plaque ou un gril au gaz dans un restaurant.   
ASHRAE-Montréal : Est-ce qu’un agrandissement ou une rénovation complète d’un bâtiment résidentiel ou commercial sera assujetti à ce règlement ?
Jonathan Théorêt : Non, seules les nouvelles constructions sont assujetties. Cependant, un agrandissement ou une transformation de bâtiment est considéré comme une construction neuve si un permis de démolition du bâtiment existant est délivré avant l’obtention du permis de construction, donc dans ce cas, il serait assujetti au règlement.
ASHRAE-Montréal : Quels sont les appareils de chauffage à combustion assujettis au nouveau règlement ?
Jonathan Théorêt : Les appareils de chauffage à combustion assujettis incluent, entre autres, les chaudières, chauffe-eau, cuisinières résidentielles, chauffe-piscines, foyers intérieurs, et tout appareil connecté à des installations encadrées par le code de construction Chapitre II — Gaz.

Le tableau suivant présente les appareils interdits et les exceptions du règlement.


Règlement municipal

ASHRAE-Montréal : Y a-t-il des exclusions prévues par le règlement ?

Jonathan Théorêt : Oui, les projets pour lesquels les permis ou les autorisations ont déjà été accordés, les nouveaux bâtiments raccordés à un réseau thermique urbain, et les nouveaux bâtiments dont l’usage principal est une industrie manufacturière, sont exclus du règlement.
ASHRAE-Montréal : Quelles sont les pénalités prévues en cas de non-conformité ?

Jonathan Théorêt : Une pénalité pourrait être octroyée à quiconque commet une infraction au règlement. Par exemple, lorsqu’une personne

·         empêche la réalisation d’une inspection;
·         fait de fausses représentations;
·         fait une fausse déclaration ou utilise un document sachant qu’il est faux ou qu’il contient une information fausse;
·         fait défaut de fournir l’information requise dans le délai;

·         ne respecte pas une interdiction prévue au règlement.

Toute personne qui commet une infraction est passible d’une pénalité d’au moins 1 000 $ et pouvant monter jusqu’à 4 000$ selon les cas et ce pour chaque jour où l’infraction perdure. En bref, c’est préférable de respecter le règlement!

ASHRAE-Montréal : Pourquoi est-ce que les bâtiments industriels sont-ils exclus ?
Jonathan Théorêt : Plusieurs procédés industriels nécessitent l’usage de combustibles et les rejets thermiques sont souvent utilisés pour le chauffage des espaces industriels. La distinction entre les émissions provenant des procédés de celles provenant du chauffage est donc plus complexe à déterminer. De plus, une grande partie des bâtiments industriels sont déjà assujettis au règlement sur la déclaration obligatoire de certaines émissions de polluants dans l’atmosphère (RLRQ, chapitre Q-2, r. 15) et au règlement concernant le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (RLRQ, chapitre Q-2, r. 46.1) du gouvernement du Québec.
ASHRAE-Montréal : Que répondez-vous à ceux qui remettent en question l’utilité ou la légitimité du règlement dans un contexte de pointe hivernale ?

Jonathan Théorêt : Le règlement reste flexible, sa mise en application est raisonnable et permet d’atteindre l’objectif de cesser d’ajouter de nouvelles sources d’émissions de GES dans les bâtiments neufs à Montréal.

Les petits bâtiments représentent 85 % de tout ce qui se construit à Montréal. Ils sont déjà, en grande majorité, chauffés à l’électricité. Cette distinction entre petit et grand vient donc répondre à des enjeux technologiques différents. L’utilisation de gaz de source renouvelable dans certains types de bâtiments et dans certaines circonstances permet de limiter l’impact sur la pointe et sur le réseau électrique d’Hydro-Québec. En revanche, dans le petit bâtiment, cet impact est faible. De plus, les programmes d’aide en efficacité énergétique qui existent et qui se multiplient, dont le nouveau programme LogisVert par Hydro-Québec, favorisent la mise en place de mesures d’efficacité énergétique et l’achat d’appareil de chauffage électrique efficace. Ils contribuent activement à la gestion de la consommation et à la diminution des besoins futurs en puissance électrique, tout en permettant d’effectuer des économies monétaires substantielles. En 2024, au Québec, on sait comment construire de nouveaux bâtiments exemplaires, efficaces, zéro émission, tout en limitant les impacts sur la pointe, voir même en les évitant complètement. Les défis dans les bâtiments existants qui doivent être décarbonés sont déjà grands, alors on ne doit pas ajouter de nouvelles sources d’émissions de GES dans le parc immobilier de demain. C’est possible de le faire de façon efficace, par exemple en utilisant des thermopompes, des accumulateurs thermiques, des conceptions d’enveloppes efficaces, des appareils de contrôles permettant le préchauffage, etc. Les exigences du règlement donneront justement un coup de pouce au déploiement des meilleures solutions dès aujourd’hui dans les nouveaux bâtiments.

ASHRAE-Montréal : Pourquoi est-ce que les bâtiments connectés à un réseau thermique urbain (RThU) sont exclus ?

Jonathan Théorêt : Les réseaux thermiques urbains sont une mesure optimale de transition et d’efficacité énergétique. En plus de s’aligner avec les objectifs de réduction des émissions de GES, les RThU permettent d’améliorer la résilience des bâtiments face aux aléas climatiques (énergie suffisante et constante aux RThU) ainsi que :

  • de promouvoir l’utilisation optimale de l’hydroélectricité propre et d’autres sources d’énergie renouvelable au lieu des combustibles fossiles.
  • de réduire et d’écrêter la demande de puissance électrique des quartiers.
  • de réduire, de valoriser et de centraliser les rejets de chaleur des bâtiments raccordés, diminuant ainsi les effets des îlots de chaleur.
  • de réduire les risques sanitaires associés aux tours de refroidissement des bâtiments types (ex. légionellose).
  • de pouvoir moderniser à grande échelle les sources d’énergie en parallèle avec l’avancement technologique tel que l’adoption de nouvelles sources d’énergie renouvelable.
  • d’inclure à plus faible coût la climatisation dans la construction de logements sociaux, palliant ainsi l’aléa climatique de vagues de chaleur.

En bref, les RThU contribuent à réduire la dépendance aux énergies fossiles, à réduire les émissions de GES et permettre une utilisation efficace et judicieuse des ressources énergétiques, augmentant ainsi la résilience du cadre bâti montréalais.

Sans oublier que les réseaux thermiques carbonés sont encadrés par d’autres moyens comme les industries. À titre d’exemple, le réseau thermique urbain d’Énergir, chaleur et climatisation urbaine au centre-ville de Montréal est un établissement assujetti à l’article 6.1 du règlement sur la déclaration obligatoire de certaines émissions de contaminants dans l’atmosphère (RLRQ, c. Q-2, r. 15) au même titre que certains bâtiments industriels pour lesquels le règlement ne s’applique pas.

ASHRAE-Montréal : Quels sont les bénéfices pour les propriétaires à se conformer à ce règlement ?

Jonathan Théorêt : Les bénéfices incluent la réduction des émissions de GES, une meilleure qualité de l’air intérieur et extérieur, une amélioration de la santé des occupants, et des économies sur les factures énergétiques grâce à l’utilisation de solutions électriques efficaces.

ASHRAE-Montréal : Finalement, pour atteindre les objectifs de la Feuille de route vers des bâtiments zéro émission dès 2040, est-ce que ça implique également que vous travaillez à interdire les appareils de chauffage émettant des GES attribuables à la combustion installés dans les bâtiments existants ?

Jonathan Théorêt : L’objectif de Montréal est d’atteindre la carboneutralité des bâtiments d’ici 2040, ce qui implique en effet des actions futures qui pourraient aller jusqu’à l’interdiction de certains appareils de chauffage émettant des GES attribuables à la combustion d’ici 2040. Pour ce faire, la Ville prévoit tout d’abord de dresser un portrait plus précis de la situation des émissions de GES des bâtiments existants à Montréal. Un meilleur portrait de la situation facilite la mise en place, l’ajustement et l’accès aux programmes de subvention et de financement pour la conversion des appareils de chauffage à combustion vers des solutions sans émission de GES efficace telle que l’électricité. Nous avons une responsabilité collective de réduire nos émissions et nous pouvons le faire tout en bénéficiant de solutions efficaces et rentables. La planification municipale tiendra compte des évolutions technologiques et économiques, tout en s’appuyant sur la science qui nous dicte d’intervenir rapidement pour atténuer les risques climatiques.

ASHRAE-Montréal : Merci beaucoup pour ces informations, Jonathan. Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Jonathan Théorêt : Merci à vous. J’encourage tous les propriétaires et promoteurs à se renseigner à propos du règlement et à envisager des solutions de chauffage sans émission de GES pour contribuer à un avenir plus durable. Pour toutes questions, écrivez-nous à chauffage@montreal.ca

[1] Pour plus de détails, voir la section « Les inventaires de gaz à effet de serre (GES) » à la page suivante : https://montreal.ca/unites/bureau-de-la-transition-ecologique-et-de-la-resilience

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