Gestion de la puissance dans un bâtiment d’affaires à l’aide d’accumulateurs thermiques centraux

Contexte

Deux ATC de grande capacité ThermElect (modèle 9180 manufacturé par Steffes) ont été installés au LTE. Ces appareils de chauffage permettent de stocker une grande quantité de chaleur dans des briques afin de la réutiliser dans les moments où la puissance appelée du bâtiment doit être réduite. La chaleur est stockée de manière sensible dans les briques qui peuvent être chauffée jusqu’à 760°C. La chaleur est ensuite transférée des briques vers la boucle d’eau du bâtiment via une boucle d’air interne à l’appareil et un échangeur de chaleur air/eau. Les principales caractéristiques des deux appareils installés au LTE sont listées dans le Tableau 1.
Le bâtiment concerné est le bâtiment principal du site du LTE. Il abrite des espaces de bureaux, des salles de réunion, une cafétéria, des laboratoires, des ateliers, des entrepôts, des salles mécaniques, deux halls d’essai et trois annexes. Sa consommation d’électricité totale mensuelle et le maximum de chaque mois, mesurées par le compteur durant l’année 2020 sont affichés dans le Tableau 2. L’appel de puissance est beaucoup plus élevé en hiver qu’en été, typique d’un bâtiment chauffé à l’électricité. Le profil de consommation de 6 jours de janvier 2020 est montré dans la Figure 2. L’appel de puissance maximal se situe aux alentours de 550 kW. Le profil est typique d’un bâtiment d’affaires, avec une pointe de demande en matinée et un creux de demande la nuit. L’écart de puissance entre la pointe en matinée et le creux de la nuit, de l’ordre de 150 kW, laisse entrevoir un potentiel élevé de gestion de la demande.


Stratégie de contrôle

La stratégie de contrôle vise à la fois une intégration harmonieuse des ATC comme source de chaleur pour les systèmes CVCA et le contrôle de l’appel de puissance des éléments électriques des ATC pour offrir trois services énergétiques au client et au réseau. Ces services sont l’écrêtage de la puissance facturable, la gestion de la demande en puissance (GDP) et la gestion de reprise après panne (GRAP). Voici les principaux choix de conception de la stratégie de contrôle :

  • Utiliser les ATC comme principale source de chaleur de quatre systèmes CVCA ;
  • Utiliser les serpentins électriques des systèmes CVCA comme source de chaleur d’appoint. Leur puissance thermique s’ajoute donc à celle des ATC seulement lorsque le réseau de chaleur ne fournit pas toute la puissance thermique nécessaire;
  • Permettre aux ATC d’alimenter le réseau de chaleur en tout temps à partir de l’énergie stockée dans les briques, sans avoir recours à un horaire de disponibilité ;
  • Permettre aux éléments électriques des ATC de chauffer les briques en tout temps, dans les limites permises par les services énergétiques;
  • Utiliser les ATC en parallèle, de sorte que les deux ATC fonctionnent en même temps et sont opérés selon les mêmes consignes ;
  • Anticiper les besoins énergétiques du bâtiment et des systèmes CVCA concernés pour les prochaines heures en se basant sur l’historique des dernières heures ;
  • Contrôler les éléments électriques des ATC de manière à minimiser les fluctuations de leur appel de puissance en dehors des périodes où des services énergétiques sont actifs ;
  • Ajuster automatiquement le seuil d’écrêtage de la puissance facturable ;
  • Adapter la stratégie de GRAP à la durée de la dernière panne ou à la durée cumulée de pannes se succédant rapidement.

Performance du service d’écrêtage

Le service d’écrêtage de la puissance facturable doit permettre de réaliser des économies en limitant l’appel de puissance maximal du bâtiment de chaque mois de l’hiver. Généralement, cet objectif est atteint en fixant à l’avance, pour chaque mois, un seuil d’écrêtage à ne pas dépasser. Lorsque la puissance totale du bâtiment s’approche de ce seuil, une charge importante est modulée ou forcée à l’arrêt de manière à maintenir l’appel de puissance du bâtiment sous ce seuil prédéterminé. Ici, c’est l’alimentation des éléments électriques des ATC qui est contrôlée, soit une charge qui peut être modulée entre 0 et 160 kW (considérant deux ATC). Une méthode d’ajustement automatique du seuil d’écrêtage est expérimentée. Le seuil idéal est calculé dynamiquement. Il varie au cours d’un mois de façon à limiter le plus possible la pointe de demande quotidiennement.

Le service d’écrêtage, avec un calcul automatisé du seuil, a permis de réduire l’appel de puissance maximal du mois de février de 90 kW.

Impact du service de GDP

Durant l’hiver, Hydro-Québec fait parfois appel aux clients pour qu’ils réduisent leur appel de puissance durant des périodes de pointe prédéfinies : soit entre 6 et 9 h en matinée ou entre 16 et 20 h en soirée. Ces événements de GDP ont tendance à coïncider avec des périodes où le service d’écrêtage est actif.

La Figure 2 présente les mesures de la journée du 21 janvier 2022 où la température extérieure minimale était de -30°C et où deux évènements de GDP ont été appelés, l’un en matinée et l’autre en soirée.

L’hiver 2021-2022 a servi de période de rodage de l’installation. Une dizaine d’événements de GDP ont été programmés durant l’hiver. Les sept événements de GDP programmés en matinée ont permis d’abaisser l’appel de puissance de 95 kW en moyenne. Les trois autres, en soirée, ont permis d’abaisser l’appel de puissance de 73 kW en moyenne.

Impact du service de Gestion de la Reprise Après Panne (GRAP)

Au cœur de l’hiver 2022, il n’y a pas eu de panne de courant suffisamment longue pour activer le service de GRAP. Cependant, le matin du 8 avril il y a eu une panne d’un peu plus de 2 heures, telle que présentée à la Figure 3. Le système a détecté la panne et estimé sa durée à 146 minutes, puis activé la fonction de GRAP. À partir du retour du courant, les éléments électriques des ATC sont demeurés inactifs durant 73 minutes, soit la demi-durée de la panne, puis leur consigne de puissance a été relevée progressivement durant encore 73 minutes, conformément la stratégie développée. Même durant la période de reprise contrôlée, les ATC ont pu fournir de la chaleur aux systèmes de ventilation grâce à l’énergie emmagasinée. Suite au retour du courant, les autres usages ont eu une période de rattrapage ou de reprise où l’appel de puissance était plus élevé. La GRAP a permis de ne pas y ajouter la puissance des ATC, tout en fournissant de la chaleur au bâtiment. Le retour aux conditions normales des autres usages prend environ 30 minutes. Cela suggère qu’il aurait été possible de gérer la reprise avec des périodes d’attente et de remontée plus courtes, du moins dans le cas de cette panne survenue au printemps.

En résumé

L’utilisation d’ATC permet d’offrir plusieurs services au réseau électrique sans entraver le chauffage des locaux. Il convient d’adapter la stratégie de contrôle aux systèmes en place et aux besoins du bâtiment. Pour autant, les ATC sont une solution technologique mature, efficace et viable pour gérer l’appel de puissance d’un bâtiment Affaires. Dans le contexte de la transition énergétique, les ATC de grande capacité peuvent remplacer une chaudière au mazout par une solution de chauffage tout électrique.

Auteurs

François Laurencelle, Chercheur au Centre de Recherche d’Hydro-Québec

Mike Coillot, Chercheur au Centre de Recherche d’Hydro-Québec

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