STOCKAGE THERMIQUE : DEUX TECHNOLOGIES POUR DÉPORTER LES POINTES DE CONSOMMATION
Figure 1: Réservoir hors-terre avec banque de glace d'une capacité de 27 000 tonnes par heure pour le bâtiment du Comfort Link Market Center. Repris depuis une étude de cas de la compagnie Baltimore Air Coil (BAC).
Les charges sensibles et latentes dans un bâtiment sont de nature très changeante étant affectées autant par des facteurs de l’environnement interne (ex. : occupation, charges internes d’éclairage et de procédés) que par des facteurs de l’environnement externe (ex. : température extérieure, taux d’infiltration). En rapportant sur une échelle de temps la charge thermique à chaque instant, on forme le profil de charge d’un bâtiment. Le rôle des systèmes CVCA d’un bâtiment est alors d’offrir la couverture la plus parfaite possible de ce profil de charges dans le temps, et ce, afin de maintenir un point de consigne quelconque.
À la lumière de ce constat, le défi technique inhérent à la conception et à l’optimisation des systèmes de CVCA repose alors essentiellement sur la manière de répartir les besoins vus par lesdits systèmes dans le temps; ou autrement dit, comment aplanir le profil de charges tout en respectant l’aire sous la courbe!
Le présent article fera état de deux solutions de stockage thermique journalières applicables au domaine du bâtiment et permettant le lissage du profil de consommation énergétique. Je vous propose un survol des technologies d’accumulateur thermique (pointe en chauffage) et de banque de glace (pointe en refroidissement).
À PROPOS DU STOCKAGE JOURNALIER
Le stockage thermique est habituellement de deux types : stockage journalier (ex. : réserve d’eau) et stockage saisonnier (ex. : puits géothermique). La principale différence entre les deux types de stockage est bien entendu l’horizon de temps. Je vous propose de traiter la question du stockage journalier, car je trouve son application dans les bâtiments nouveaux ou existants simple et souvent économiquement intéressante. En effet, le stockage journalier puisqu’il s’effectue sur une période de temps plus réduite implique des infrastructures souvent plus petites et moins coûteuses tout en profitant d’avantages reconnus tels que :
- Le partage des charges thermiques entre les espaces;
- La diminution de la capacité installée des systèmes de CVCA;
- L’ajout d’une plus grande inertie thermique aux systèmes, favorisant la diminution du cyclage des équipements;
- L’optimisation de la pointe énergétique consommée et l’utilisation des crédits de puissance, si disponibles;
- L’augmentation de la flexibilité de l’installation face aux changements dans les tarifications énergétiques (tarif hors pointe versus tarif de pointe)
- La capacité d’effectuer de plus nombreux cycles de décharge et de recharge en comparaison à d’autres technologies de stockage telle que les batteries;
- La possibilité d’y coupler certaines énergies renouvelables.
ACCUMULATEUR THERMIQUE
L’accumulateur thermique est une technologie permettant d’optimiser la pointe de consommation en chauffage. Son fonctionnement repose sur la recharge d’une masse thermique par un élément résistif ou par une source d’eau chaude en période hors pointe, puis en la décharge thermique de cette masse en période de pointe pour le chauffage de l’air ou de l’eau. Typiquement les accumulateurs thermiques comprennent des briques réfractaires. Celles-ci sont sélectionnées pour leur capacité d’emmagasinage thermique et leur capacité à maintenir leurs propriétés physiques à haute température. Les accumulateurs thermiques peuvent être à air forcé ou à l’eau. Parmi les autres caractéristiques intéressantes des accumulateurs, on note entre autres:
- Possibilité d’interfacer l’appareil avec un système d’automatisation du bâtiment;
- Capacité de recharge modulable pour respecter la pointe maximale;
- Température de sortie de l’accumulateur ajustable;
- Intégration de la gestion de la puissance électrique du bâtiment;
Figure 2: Accumulateur thermique à air forcé.
Au Québec, puisque les tarifs électriques sont relativement bas, il y a un réel intérêt à utiliser de l’énergie électrique hors pointe dans un accumulateur thermique. Hydro-Québec a d’ailleurs mis en place dès 2001, puis avec l’appui d’un partenaire privé en 2003, un projet visant à développer un accumulateur thermique. En lien avec ce projet de développement, plusieurs exemples de projets réalisés avec des accumulateurs thermiques sont documentés, notamment pour des bâtiments existants tels que des écoles ou des centres communautaires dans lesquels les chaudières sont appelées à être remplacées et où il est reconnu important de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
BANQUE DE GLACE
La technologie de stockage thermique via une banque de glace repose sur le principe de la recharge d’un media à refroidir durant une période hors pointe, puis à l’utilisation de cette réserve pour desservir les besoins de refroidissement en période de pointe. Cette technologie, lorsque mise en place, procure les avantages suivants :
- La possibilité d’opérer les systèmes de refroidissement en période hors pointe, souvent la nuit, à des conditions extérieures plus favorables;
- L’augmentation de l’efficacité énergétique des refroidisseurs lorsqu’opérés à plus grande charge;
- La diminution de la capacité installée des systèmes de CVCA et du réseau de distribution d’eau refroidie;
- L’ajout d’une plus grande inertie thermique aux systèmes, favorisant la diminution du cyclage des équipements;
- L’optimisation de la pointe énergétique consommée et l’utilisation des crédits de puissance, si disponibles;
- L’augmentation de la flexibilité de l’installation face aux changements dans les tarifications énergétiques (tarif hors pointe versus tarif de pointe)
Les banques de glace offrent l’avantage de nécessiter une plus petite réserve par rapport à la solution plus traditionnelle en refroidissement qui consiste à utiliser un réservoir d’eau refroidie. En effet, cette technologie profite de la chaleur latente de fusion de l’eau en libérant 144 Btu par livre d’eau lors de sa décharge comparativement à la chaleur sensible libérée par la décharge d’un réservoir d’eau refroidie opérant à un différentiel de 20°F et correspondant à 20 Btu par livre d’eau.
Puisque l’énergie thermique est stockée dans la glace à 32°F, les refroidisseurs qui rechargent la banque devront généralement opérer à des températures de décharge inférieures aux températures habituelles de refroidissement en CVCA et devront, selon la technologie utilisée, recharger la banque avec un réfrigérant directement ou avec un liquide intermédiaire. Les technologies d’emmagasinage sont les suivantes :
- Ice harvesting : La glace se forme sur la surface d’un évaporateur, puis se détache et est mélangée à une solution d’eau. L’eau de retour fait fondre la glace et l’eau d’alimentation dessert les charges du bâtiment;
- External melt ice-on-coil : La glace se forme sur un serpentin submergé et à travers lequel un réfrigérant ou un liquide intermédiaire est circulé. La banque se décharge en circulant l’eau à refroidir autour du serpentin gelé, faisant fondre la glace de l’extérieur jusqu’à la paroi du serpentin;
- Internal melt ice-on-coil : La glace se forme sur un serpentin submergé et à travers lequel un réfrigérant ou un liquide intermédiaire froid est circulé. La banque se décharge en circulant cette fois un réfrigérant ou un liquide intermédiaire chaud à travers le tube du serpentin, faisant fondre la glace de l’intérieur jusqu’à l’extérieur.
- Encapsulated ice : La banque comprend des pastilles maintenues flottant dans la solution d’eau à refroidir. L’eau contenue dans les pastilles en plastique gèle lors de la recharge, puis fond lors de la décharge.
La 3e technologie énoncée ci-haut est généralement choisie pour les applications CVCA dans les bâtiments, car elle est plus simple de conception et d’opération, permet des températures de décharge stables et est une solution modulaire.
Figure 3: Principe de fonctionnement de la technologie Internal melt ice-on-coil.
CONCLUSION
Les solutions présentées précédemment sont deux options disponibles pour le stockage thermique journalier en lien avec les besoins thermiques d’un bâtiment. Ces deux applications sont d’intérêt puisqu’elles :
- Présentent habituellement une période de retour sur investissement courte (PRI sous les 5 années);
- Sont des technologies simples et éprouvées;
- Sont plus faciles à intégrer dans un bâtiment.
Ce bref aperçu soulève des questions intéressantes sur lesquelles je vous invite à vous renseigner :
- Quelle proportion de la charge devrait-on assurer avec une réserve?
- Comment les technologies présentées se comparent aux technologies de stockage dans des réservoirs d’eau?
- Est-ce que le stockage thermique hors pointe implique toujours une économie d’énergie?
Rédaction : Olivier Potvin, ing., MBA, LEED PA BD C, CIMA+
Courriel : olivier.potvin@cima.ca