Conception et considérations lors de l’utilisation du biogaz
Les propriétés du biogaz sont différentes de celles du gaz naturel. Il est donc important de bien comprendre les caractéristiques de ce combustible en vue du choix des équipements et du brûleur, parce que la performance de l’installation dépend de sa conception.
Dans le cadre de la transition énergétique québécoise amorcée il y a quelques années, la notion de gaz naturel renouvelable (GNR) est de plus en plus présente. L’appellation GNR fait référence à un gaz issu de la décomposition de déchets organiques qui a été filtré, traité ou même enrichi (biométhane) avant d’être injecté dans les conduites de gaz naturel conventionnel. Les différents traitements coûtent très chers, mais ils sont nécessaires afin d’utiliser sans risque le gaz naturel renouvelable avec les mêmes appareils que le gaz naturel.
Une solution plus rentable est d’utiliser directement ce GNR, communément appelé biogaz, dans les appareils de chauffe. Voici quelques éléments importants à considérer lors de la conception de vos chaufferies utilisant le biogaz.
Comme les biogaz sont produits à la suite de différents procédés de digestion anaérobique provenant de sources comme les résidus agricoles, domestiques, organiques industriels ou les boues d’épuration, plusieurs substances indésirables se retrouvent à l’intérieur des gaz. De plus, la concentration de molécules de méthane (CH4) varie en fonction des résidus, mais aussi dans le temps, ce qui rend le pouvoir calorifique du gaz et les ratios air/gaz instables et non constants. Pour le même volume de gaz naturel, seulement 30 % à 70 % de la concentration de molécules de CH4 se retrouve dans le biogaz.
En raison de l’aspect variable du biogaz, les brûleurs des chaudières sont souvent sélectionnés pour opérer au biogaz, mais aussi au gaz naturel en cas d’arrêt des digesteurs. Le brûleur doit être en mesure de revoir les ratios air-gaz selon la modulation de la capacité demandée, le type de gaz utilisé, mais aussi en temps réel, selon la concentration de biogaz.
Pour conserver les mêmes buses que pour le gaz naturel, la concentration minimale en CH4 est de 40 % à 35 % (soit de 400 à 350 BTU/pi3 de gaz). Par exemple, si les buses de diffusion de gaz naturel sont conçues pour un ratio de 12,8 pi3/min par pied cube de gaz au niveau air/gaz naturel (100 % CH4). Pour la même capacité, donc la même quantité d’air alimenté par le ventilateur du brûleur à une concentration de 40 % de CH4, le ratio passe donc à 5,12 pi3/min par pied cube d’air/gaz. Le ventilateur et l’actuateur d’air doivent donc s’ajuster pour conserver les profils de projection et de dispersion. Ce phénomène affecte la combustion, ce qui amène la modulation de la combustion et même l’allumage de la chaudière à des concentrations inférieures à 40 %.
En prenant l’exemple d’une chaudière de 12 000 MBH de capacité d’entrée, il faut 200 pi3/min de gaz naturel et 2560 pi3/min d’air frais (ou 3000 pi3/min selon CSA). En utilisant le même bruleur avec un biogaz à 50 % de CH4, il faut 400 pi3/min de biogaz, mais il faudra toujours avoir 2560 pi3/min d’air frais. Comme il y a deux fois plus de biogaz alimenté, il est normal que les trains de biogaz soient surdimensionnés par rapport au train de gaz naturel conventionnel. La même logique s’applique pour dimensionner la chaudière. Comme le volume de gaz sera plus élevé dans la chaudière, la chambre de combustion doit aussi être surdimensionnée pour atteindre les mêmes capacités de combustion.
Tel que mentionné, les biogaz sont produits par différentes sources de résidus qui émettent des éléments indésirables devant être filtrés avant d’être injecté dans un réseau comme celui d’Énergir. Ces impuretés doivent être pris en compte lors de la combustion avec du biogaz non traité. Les éléments les plus susceptibles de se retrouver dans les biogaz et de poser problème à l’installation sont le sulfure d’hydrogène (H2S), l’humidité (H2O) et les siloxanes (R2SiO). Les données par rapport à la concentration présente de ces particules sont souvent connues et mesurées au digesteur, mais inconnues à l’entrée de la chaudière. Ceci s’explique par le fait que le gaz, à la sortie du digesteur, est asséché, et une portion pouvant s’avérer significative est éliminée durant ce processus. Comme il ne s’agit pas d’un processus uniforme, les concentrations varient beaucoup et il faut donc envisager le pire scénario.
Généralement, la concentration maximale de H2S acceptée aux brûleurs pour ce type d’application ne devrait pas excéder 150 ppm. Si la concentration est supérieure, il faut s’assurer que les composantes du train de robinets de gaz, le brûleur et la chaudière sont conçues pour cette concentration. Le principal inconvénient du H2S provient du risque de condensation, créant ainsi la formation d’acide sulfurique. Plus sa concentration est élevée, plus son point de rosée est bas. Par exemple, à une concentration de 145 ppm, le point de rosée du H2S se produit à 325 ºF. Il est donc important que les gaz aux différents segments de la chaudière soient maintenus au-dessus de cette température. Il faut également porter une attention particulière à l’application de la chaudière, car elle affecte la température des gaz et l’efficacité de la chaudière. Lors de l’utilisation de biogaz, l’efficacité ne doit pas être priorisée au dépend du contrôle des températures des gaz chauds à l’intérieur des divers segments de l’échangeur de la chaudière.
Le sulfure d’hydrogène survit durant 0,4 à 1,6 seconde à des températures variant entre 1400 et 2000 ºF. Il est donc important de maximiser la superficie de la première chambre de combustion où la température est la plus élevée. Les chaudières de type « firebox » se prêtent bien pour ce type d’application. Sinon, une chaudière « firetube » est à favoriser. Un bon ordre de grandeur est de viser au moins 70 % d’absorption de l’énergie dans la première passe. Les gaz de combustion passent de 3300 à 1375 ºF. Encore une fois, il est difficile d’affirmer que toutes les particules de H2S seront détruites, mais cette conception diminue les risques d’atteindre le point de rosée dans les passes subséquentes de la chaudière. Les chaudières de type « watertube » et serpentin ne sont pas favorisées dans les applications biogaz en raison de la difficulté de nettoyer les chaudières entre les tubes. Il existe des technologies de chaudière permettant l’utilisation de biogaz dans des applications de condensation. Toutefois, les taux de H2S ne doivent pas dépasser 15 PPM.
Actuellement, bien que le Code visant la production et l’utilisation des gaz de digestion, gaz d’enfouissement et biogaz (CSA B149.6-F15) ne soit pas officiellement en vigueur, il n’en demeure pas moins qu’il constitue une référence lorsqu’il est utilisé conjointement avec le Code d’approbation sur place des appareils à combustible et appareillages (CSA B149.3). Un train de robinets de gaz dédié au biogaz doit être muni d’au moins deux robinets d’arrêt de sureté automatiques ou un robinet-double, ainsi que d’un dispositif de supervision de flamme pour assurer un fonctionnement sécuritaire de l’appareil. De plus, l’utilisation de clapets antiretour sur le biogaz et le gaz naturel est requis pour ne pas contaminer les réseaux de gaz. Tous ces appareils doivent résister aux concentrations des différents contaminants présents dans le biogaz. Les composantes doivent être constituées d’aluminium et d’acier inoxydable et certifié pour utilisation avec du biogaz.
L’article 90 du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère stipule que les chaudières utilisant du biogaz ne doivent pas émettre plus de 114 mg/m3R de gaz sec pour le monoxyde de carbone pendant une heure. Pour ce faire, l’utilisation d’un brûleur de type « low nox » et la recirculation d’une portion des gaz de combustion devient incontournable. La présence de H2S, de siloxanes et d’autres déchets, rend l’utilisation de brûleur à grillage fin (mesh) coûteuse en raison de l’encrassement provoqué par les nombreuses impuretés.
L’entretien des tubes et de la chambre de combustion des chaudières à biogaz doit être suivi à la lettre. L’appareil requiert un brossage plus fréquent, et un suivi serré de l’encrassement permet de ralentir le processus de corrosion et de maximiser la durée de vie des tubes de la chaudière. Lors de l’utilisation du biogaz, le remplacement des tubes doit être prévu, et ce, probablement plus rapidement que dans les applications de gaz naturel. Une chaudière permettant un accès facile à la chambre de combustion pour l’entretien, mais aussi pour le remplacement des tubes, est donc essentielle.
Malgré tous les efforts de conception et d’anticipation de problèmes avec l’utilisation de biogaz, il faut s’attendre à ce que la variabilité de la qualité du gaz provoque des arrêts de service ou nécessite des ajustements fréquents pendant au moins la première année d’utilisation. Il est donc important de réaliser ce type d’installation avec des équipementiers qui possèdent une expérience avec le biogaz, mais qui disposent également d’une équipe de services spécialisés. Les variations de concentration, de poche d’air et d’humidité provoquent de nombreux ajustements durant la mise en service de l’équipement qui peut s’échelonner sur plus d’une année. Prévoir un budget de visites de mise en marche élevé constitue un gage de succès dans votre projet.
Dans le cadre de la transition énergétique, l’utilisation du biogaz peut être un choix judicieux dans le portefeuille de solutions, et peut même être intégré à des technologies de chaudière hybride gaz et électricité intègre.
AuTEUR
Francis Lacharite ing. MBA, Directeur de ventes, SERL
SOURCE
Ce texte a été publié dans la revue IMB de septembre 2021, vol. 36 no 6, cmmtq.org/fr/IMB/Accueil-IMB/.