Évaluation du potentiel technico-économique de la production de gaz naturel renouvelable au Québec
Les changements climatiques ont d’ores et déjà un impact sur nos vies modernes. Développer des énergies et des technologies qui réduiront les émissions de gaz à effet de serre (GES) permettra de limiter les effets néfastes des changements climatiques.
À cet égard, le gaz naturel renouvelable (GNR) constitue une solution avantageuse, car non seulement cette énergie est renouvelable, mais elle est parfaitement interchangeable avec le gaz naturel conventionnel, ce qui veut dire qu’un client consommant déjà du gaz naturel n’aura pas à changer ses appareils.
La première partie de cet article définira les différentes déclinaisons de GNR. Par la suite, le potentiel de production de GNR au Québec sera présenté en tenant compte des contraintes techniques et économiques. Enfin, les réductions de GES seront discutées pour les principales voies de production de GNR.
Les différentes filières de production de gaz naturel renouvelable (GNR)
Première génération
La digestion anaérobique (sans apport d’oxygène) est le procédé le plus connu de production de biogaz. Il est constitué principalement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2). Après raffinage et compression, le gaz peut être injecté dans un réseau de distribution conventionnel de gaz naturel, il devient alors du gaz naturel renouvelable ou du biométhane. Ainsi, les lieux d’enfouissement techniques (LET) sont la forme la plus simple de production de GNR; il suffit de capter et de raffiner le biogaz pour en faire du GNR. Également, les secteurs agroalimentaires, résidentiels, agricoles et industriels présentent de bonnes capacités et offrent des opportunités avantageuses de production de GNR. Ces types de production sont appelés GNR de première génération.
Deuxième génération
La biomasse forestière ou agricole peut être brûlée à très haute température afin de produire un gaz de synthèse (syngas), c’est ce qu’on appelle la gazéification. Ce dernier est un mélange d’hydrogène, de monoxyde et de dioxyde de carbone. Il peut être purifié et l’hydrogène produit pourrait être injecté directement dans un réseau de distribution de gaz naturel, ce dernier servant de réservoir énergétique. Cependant, puisque la quantité minimale ou maximale d’hydrogène qu’un réseau de distribution de gaz naturel peut recevoir n’a pas encore été définie, ou réglementée, il existe peu de projets de démonstration. Aussi, à l’aide d’un catalyseur, du méthane (CH4) peut être formé à partir du syngas; on parle alors de méthanation. Dans la documentation, ce type de production de gaz naturel renouvelable est souvent nommé GNR de deuxième génération.
Troisième génération
Enfin, l’électricité renouvelable en surplus peut être utilisée pour produire de l’hydrogène. Afin de pallier les enjeux logistiques (transport et manutention) inhérents à l’hydrogène, ce dernier pourrait être injecté dans un réseau de distribution de gaz naturel. Tout comme pour la production de syngas, l’hydrogène peut aussi être combiné à travers un catalyseur à du CO ou du CO2 pour produire du méthane. Il s’agit aussi de méthanation, plus spécifiquement de Power-to-gas (P2G). Le CO2 peut provenir de la captation d’une usine de biométhanisation ou d’un procédé industriel qui consomme du gaz naturel. Cette production de gaz naturel renouvelable est souvent appelée troisième génération.
Le potentiel technico-économique de GNR au Québec
L’évaluation du potentiel de production énergétique s’est faite en tenant compte de plusieurs facteurs présentés dans le tableau 1 suivant.
Tableau 1 – Principales étapes d’évaluation du potentiel de production de GNR au Québec – Adapté de Production québécoise de gaz naturel renouvelable (GNR) : un levier pour la transition énergétique – Évaluation du potentiel technico-économique au Québec par Cordier, M., et al., (2018-2030), WSP, Deloitte, Rapport, Octobre 2018.
Étapes d’analyse |
Description |
Détermination des freins et leviers |
Freins et leviers des éléments suivants : Contexte politique, réglementaire, environnemental, social, économique et régional |
Évaluation des gisements et des technologies |
Accessibilité des gisements et estimation de croissance Disponibilité et maturité des technologies de production Coûts des investissements et d’exploitation |
Évaluation du potentiel |
Conversion des gisements en potentiel technique Modélisation des coûts Quantification du potentiel de réduction de GES |
À partir de l’évaluation initiale de production de GNR, différents filtres ont été appliqués afin d’atteindre un potentiel technico-économique. Par exemple, le potentiel technico-économique du P2G n’a pas été évalué, car il dépend essentiellement de la disponibilité des surplus d’électricité (contexte politique, environnemental, économique, etc.). Aussi, une valeur du GNR à 15 $/GJ a été utilisée comme prix d’achat dans les modélisations de coûts.
Dans ces conditions, le potentiel technico-économique de production de GNR de première génération a été évalué à 25,8 millions de GJ, soit l’équivalent de 12 % du volume de gaz naturel distribué par Énergir. Pour 2030, en ajoutant le GNR de deuxième génération, le potentiel s’élève à 144,3 millions de GJ, c’est-à-dire l’équivalent de 66 % du volume de gaz naturel distribué par Énergir.
Le potentiel de réduction de GES
La substitution du gaz naturel conventionnel par du gaz naturel renouvelable (GNR) est une approche simple de réduction des gaz à effet de serre puisqu’elle n’entraîne aucun investissement en appareil spécifique en matière de combustion pour le consommateur (interchangeabilité). Bien sûr, une analyse de cycle de vie pour chacune des filières de production de GNR permettra d’évaluer de façon plus spécifique le potentiel de réduction de GES.
Retenons qu’en analyse préliminaire, pour l’année 2030, un potentiel de substitution de 144 millions de GJ permettrait d’éviter 7,2 millions de tonnes de GES, ou de retirer de la circulation 1,5 million de véhicules à essence. Sachant que les émissions globales de GES au Québec en 2017 s’élevaient à plus de 78 millions de tonnes, la production et la consommation de GNR en remplacement d’hydrocarbures constituent une approche peu dispendieuse.
Au Québec, les cibles de réduction de GES pour 2030 sont de -37,5 % par rapport à 1990. Ainsi, entre 2017 et 2030, collectivement, nous devrons réduire les émissions de GES de plus de 23 millions de tonnes. Le gaz naturel renouvelable, dans toutes ses déclinaisons, fait partie du mix énergétique qui contribuera à l’atteinte de nos ambitieux objectifs.
AutRICE
Marie-Joëlle Lainé, ing., CEM, Conseillère séniore, Intelligence technologique chez Énergir
Source: Cordier, M., et al., Production québécoise de gaz naturel renouvelable (GNR) : un levier pour la transition énergétique – Évaluation du potentiel technico-économique au Québec (2018-2030), WSP, Deloitte, Rapport, Octobre 2018.