Les ingénieurs en bâtiment et les membres ASHRAE sont des experts en ventilation. Nous sommes là pour vous durant cette pandémie !
LA PANDÉMIE
La pandémie actuelle de COVID-19 nous rappelle tous à quel point la santé est un facteur essentiel à notre développement économique, social et personnel, et que cette santé est fragile. Une maladie, même avec un taux de mortalité relativement faible, peut causer des impacts économiques dévastateurs dans nos collectivités, avec la fragilisation sociale que ceci apporte.
Nous sommes de plus en plus nombreux à passer la majorité de notre temps à l’intérieur, dans des édifices qui nous tiennent rapprochés les uns aux autres. Les conditions sanitaires imposées actuellement par la pandémie sont particulièrement sévères et seront peut-être difficiles à maintenir indéfiniment. Toutefois, peut-on tirer des leçons applicables en permanence pour améliorer la santé et la salubrité des lieux de rencontre ? Et si une partie de la solution passait par l’air que l’on respire ?
POURQUOI S’EN SOUCIER ?
De nombreux contaminants voyagent dans l’air que nous respirons : pollen, microbes, microparticules. Celles-ci ont la capacité d’affecter notre santé et notre bien-être en nous rendant malades, que ce soit directement (contamination) ou indirectement (réactions allergiques, maladies auto-immunes). À l’intérieur d’un bâtiment, ces contaminants sont naturellement concentrés par l’espace fermé par les parois de l’édifice. Ceci augmente le risque de problèmes de santé. C’est pourquoi il existe des normes de ventilation pour la quantité d’air provenant de l’extérieur du bâtiment pour diluer ces contaminants et maintenir les occupants en santé.
Quel est l’objectif de cette approche ? Peut-être avez-vous entendu la règle du ”3/30/300”. C’est un principe de base pour expliquer les coûts d’opération dans un édifice à bureaux. Grossièrement, pour un pied carré de plancher, il en coûte annuellement environ 3$ pour les services (énergie, eau), 30$ pour la location ou l’achat, et 300$ pour les salaires des personnes y vivant. Bien qu’approximative, cette règle montre que le personnel est un investissement bien plus important que la quantité d’énergie ou le droit d’utilisation de l’espace.
Tout élément qui a un impact sur les gens qui y travaillent coûte donc considérablement plus cher à une entreprise que l’énergie ou l’entretien économisé en laissant les systèmes se dégrader. Le manque de ventilation peut donc contribuer à empirer la contamination du personnel par des virus saisonniers comme la grippe, ou des maladies plus graves comme la COVID-19, avec les taux d’absentéisme et la baisse de productivité qui en découlent. Il y a donc un gain économique considérable à protéger la santé des travailleurs et la ventilation peut y jouer un grand rôle. Ceci est corroboré par les événements récents dans un centre de personnes âgées à Montréal où la ventilation était défectueuse et où le taux d’infection était bien plus élevé que dans d’autres centres.
COMMENT FAIRE ?
L’ASHRAE est un organisme à but non lucratif, formé exclusivement de bénévoles, qui œuvre pour amener les décideurs et constructeurs immobiliers à améliorer les pratiques en mécanique du bâtiment, que ce soit pour l’efficacité énergétique, la résilience ou la qualité de l’air des bâtiments. Une de ses missions est de créer des normes rigoureuses basées sur des données scientifiques empiriques obtenues par le biais de projets de recherches indépendantes. Ces normes, écrites pour être implantées directement dans les codes de construction, sont bien connues des ingénieurs en bâtiment. La norme 62.1, par exemple, détermine les quantités d’air frais requises dans chaque bâtiment selon leur vocation et les mesures pour atténuer la présence de contaminants pour tous les édifices non résidentiels. Ces documents sont simples à interpréter et utiliser par les professionnels en mécanique du bâtiment ; en les citant donc dans vos documents d’appels d’offres et d’entretien, vous vous assurez ainsi d’avoir des calculs et normes qui feront en sorte de réduire l’exposition des occupants à des contaminants de tous types. Plusieurs de ces normes sont également utilisées comme références dans la certification de la performance énergétique et environnementale d’un bâtiment, comme LEED.
La ventilation est souvent perçue comme un pôle de consommation d’énergie, étant donné que l’air extérieur doit être chauffé ou refroidi pour maintenir le confort des occupants à l’intérieur. Bien que cela puisse être un facteur dans la prise de décision, il existe des technologies et des méthodes qui permettent de réduire la quantité d’énergie requise en fonction des besoins réels du bâtiment et de l’efficacité de la source d’énergie (par exemple, l’aérothermie ou la récupération d’énergie). ASHRAE intègre ceci dans ses normes, notamment la norme 90.1, qui donne des astuces aux utilisateurs et concepteurs sur la meilleure façon de concevoir un bâtiment.
Les normes ASHRAE font également référence à des standards de filtration et des bonnes pratiques pour limiter la propagation de microbes dans les édifices. On pense entre autres aux filtres “HEPA” (High Efficiency Particulate Arrestance), capables de stopper des particules aussi petites que des virus ou des spores, et qui contribuent à assainir l’air des édifices. Filtrer implique aussi de brasser l’air du bâtiment et il faut donc prévoir une ventilation capable de le faire efficacement. Mentionner ces points à vos concepteurs en début de projet est crucial, car il est alors facile d’intégrer ces concepts dans les systèmes de ventilation. La bonne nouvelle est que, typiquement, les systèmes de filtration qui sont efficaces contre les micro-organismes tendent à être efficaces contre les autres contaminants néfastes comme le pollen ou les microparticules. Ceci veut dire qu’avec un bon système de filtration, on arrive à tout améliorer en une fois.
Un autre facteur qui influence la qualité de l’air est le niveau d’humidité. En hiver, il y a fréquemment des problèmes d’air très sec dans les édifices en raison des besoins de chauffage. Or, de plus en plus de données montrent que les taux d’humidité relative en-dehors d’une fourchette de 40 à 60% contribue à augmenter les problèmes de contamination par les micro-organismes. Humidifier serait donc un choix judicieux pour aider dans la lutte aux maladies infectieuses.
Il est important de mentionner que, comme tout système mécanique, l’entretien est important pour maintenir les effets bénéfiques sur le long terme. Ceci passe donc par une sensibilisation du personnel d’entretien sur les mesures à prendre pour garder le bâtiment au meilleur de sa “performance sanitaire”. Toutefois, quand on repense à la disparité entre les coûts énergétiques et les coûts des employés, on réalise rapidement que tourner les coins ronds en ventilation peut devenir coûteux à la longue, de manière sournoise.
PEUT-ON AMÉLIORER LES SYSTÈMES EXISTANTS ?
Le parc immobilier construit est vastement plus grand que les nouvelles constructions, mais il peut très bien être adapté à des nouvelles exigences de filtration et de qualité d’air. Ceci dit, il est important de faire appel à des professionnels pour évaluer toutes les solutions possibles pour trouver la meilleure dans chaque cas. La filtration et l’augmentation d’apport d’air neuf peuvent avoir des effets indésirables sur les équipements s’ils ne sont pas bien adaptés aux modifications, ce qui risquerait fort de devenir contre-productif. C’est pourquoi l’évaluation par des experts est cruciale à cette étape, dans un contexte où des coûts d’infrastructure sont en jeu.
L’HUMAIN EN AVANT DE TOUT
Les normes de qualité d’air, de ventilation et de confort de l’ASHRAE sont conçues pour atteindre des cibles de performance; ces cibles sont toutefois orientées dans un objectif de créer des milieux de vie sécuritaires, sains et confortables pour ceux qui les utilisent. Dans un tel contexte, les chapitres québécois de ASHRAE souhaitent que les utilisateurs et propriétaires immobiliers prennent en compte ces facteurs lorsqu’ils aménagent des espaces de vie, car plus que jamais, nous réalisons l’impact que peut avoir le fait de vivre entre quatre murs pour des individus. Un espace sain crée des personnes saines; un espace malsain favorise la maladie et la baisse de productivité. Nous savons depuis longtemps que l’être humain est plus heureux dans un espace qu’il trouve beau. Et si nous ajoutions à cette définition le fait de se sentir bien et en santé ?
RÉFÉRENCES ASHRAE UTILES concernant covid-19
On vous invite à consulter régulièrement la page COVID-19 Preparedness Resources pour les plus récents développements du groupe d’experts créé spécialement pour la pandémie par la Société ASHRAE ainsi que la page ASHRAE Resources Available to Address COVID-19 Concerns.
AUTEUR
Jean-Sébastien Trudel, ing., CEM
Directeur de projets Mécanique et Efficacité énergétique, FNX-INNOV
Responsable du Comité activités gouvernementales 2020-2021, ASHRAE Montréal