MISE EN CONTEXTE
L'horticulture est simplement l’action de cultiver des plantes pour l'alimentation, en utilisant les connaissances, les compétences et la technologie. Mais pourquoi?
Selon le rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2018, de nouvelles preuves indiquent que le nombre de personnes souffrant de faim dans le monde est en hausse, avec 821 millions de personnes en 2017, soit une personne sur neuf. La faim est en hausse depuis ces trois dernières années, marquant de ce fait une régression vers les niveaux enregistrés il y a près de dix ans. Cette régression signifie que davantage doit être fait si l’on veut atteindre l’objectif Faim Zéro d’ici 2030. (1)
Nous aurons besoin de plus de nourriture au cours des quatre prochaines décennies que tous les agriculteurs de l’histoire n’ont récolté au cours des 8 000 dernières années. (2)
D’OÙ VIENT NOTRE NOURRITURE?
Sur un plan mondial, les Pays-Bas occupent le deuxième rang en exportation de légumes, derrière les États-Unis, dont la superficie territoriale est 270 fois supérieure. De toute évidence, il est possible de faire mieux avec beaucoup moins!
Prenons l’exemple de la tomate qui est cultivée dans le monde entier par la Chine, l'Inde et les États-Unis se classant, dans le même ordre, parmi les trois principaux pays producteurs de tomates. Or les Néerlandais, classés au 22e rang, témoignent d’un rendement 10 fois supérieur à celui de la Chine en produisant près d’un million de tonnes de tomates annuellement sur une superficie de 17.9 km2 contre près de 60 millions sur une superficie de 10 000 km2. (2) Il y a près de deux décennies, les Néerlandais ont pris un engagement national en faveur d'une agriculture durable sous le cri de ralliement «Deux fois plus de nourriture en utilisant deux fois moins de ressources» !
LA CHIMIE DU SOL, LA TENEUR EN EAU, LES ÉLÉMENTS NUTRITIFS ET LA CROISSANCE
Le génie derrière ces chiffres étonnants provient de l’Université et Centre de Recherche de Wageningen (WUR), des Pays-Bas, composé d’un vaste groupe de jeunes entreprises de technologie agricole et de fermes expérimentales. Le résultat : des drones et tracteurs autonomes parcourant les champs et fournissant des lectures détaillées sur la chimie du sol, la teneur en eau, les éléments nutritifs et la croissance. Depuis, les agriculteurs ont réduit jusqu'à 90% leur dépendance à l'égard de l'eau pour leurs principales cultures et ils ont presque complètement éliminé l'utilisation de pesticides chimiques. Il est clair qu’il faut mettre en œuvre nos connaissances afin d’exploiter l’horticulture intérieure.
CYCLE DE VIE D’UNE PLANTE
Une première étape consiste à comprendre le cycle de vie d’une plante. Au cours de la journée, la plante est en cours de photosynthèse, dont le but est de produire sa nourriture. Pendant la journée, les plantes ouvrent sur leurs feuilles de minuscules pores, appelés stomates, permettant l'entrée du CO2 et la sortie de l'O2 et de l'eau. Pendant la nuit, la plante entreprend le processus de respiration pour croître. Le contrôle de la température et de l’humidité relative occupe une importance capitale, car il faut à tout prix prévenir les ravageurs, moisissures, champignons et maladies, afin d’assurer un rendement maximal et un profit plus intéressant. De plus, ceci permet d’entretenir un processus qui est répétable, ce qui est crucial pour la mise en marché du produit portant une marque de commerce.
L’APPLICATION TECHNOLOGIQUE
Le paradigme mondial de la famine pousse la recherche et les fabricants d’équipements à développer des équipements et des processus CVC spécialisés. Le défi est de taille car la progression des charges de l’espace ne correspond pas aux courbes de capacité des équipements usuellement disponibles. En d’autres termes, il est impossible de contrôler un environnement horticole en utilisant tout simplement un climatiseur ou un déshumidificateur, aussi technologiquement avancé qu’il puisse paraître. Il faut admettre que les charges changent constamment durant le cycle de vie de la plante, et ce pour toutes les heures, tous les jours et toutes les semaines. Les charges latentes et sensibles sont souvent très élevées et dans des conditions de température relativement fraîches. Le maintien des conditions s’avère une opération de précision requise 365 jours par an, quelle que soit la saison. Bref, certaines plantes sont plus précieuses que d’autres, or elles peuvent toutes être améliorées avec de bonnes conditions ou détruites avec les mauvaises.
Force nous est d’admettre que l’équipement doit absolument être conçu pour bien répondre aux applications qu'il rencontrera. À ceci s’ajoute l’obligation de bien comprendre les bilans énergétiques associés au processus, sans quoi le gaspillage énergétique pourrait sans aucun doute impacter négativement le retour sur l’investissement, voire même le rendre négatif. De ce fait, les investisseurs devront s’intéresser activement à la consommation énergétique des équipements dans son ensemble, étant donné que celle-ci influencera de manière remarquable le bilan financier de l’entreprise.
Aussi, bien comprendre l’effet corrosif sur les matériaux usuellement utilisés pour la fabrication des centrales d’air pour ce type d’environnement devient une tâche incontournable, au risque de perdre son équipement en quelques mois.
LA GÉNÉTIQUE DE LA PLANTE
Comprendre ce dont vos plantes ont besoin pour assurer une production optimale revient à savoir quelles sont leurs conditions naturelles d'origine. Néanmoins, les cultivateurs chevronnés arrivent à faire pousser les plantes en expérimentant dans des zones aux conditions inhabituelles, par exemple en augmentant la concentration de CO2 bien au-dessus des normales. Les généticiens parviennent, par exemple, à isoler et reproduire la caractéristique de résister à la dessiccation des feuilles, causée par le vent. Cela devient un atout majeur, étant donné le défi de taille lorsque vient le temps de concevoir la distribution de l’air.
TEMPÉRATURE ET L’HUMIDITÉ RELATIVE
Les conditions de température et d’humidité relative sont aussi à l’étude et constamment améliorées pour un rendement optimal. Bref, le cultivateur doit trouver sa recette miracle. Par ailleurs, une chose demeure constante pour chacun, soit le maintien des conditions environnementales. En d’autres termes, bien qu’il soit important de trouver la bonne combinaison, il est beaucoup plus important d’en choisir une et de la maintenir constante au cours du processus. Une simple variation de 1°C et 5% HR va causer un choc néfaste à la plante, qui peut soit induire une brûlure de la plante par excès de nutriments ou, à l’inverse, un retard de croissance.
ÉCLAIRAGE
Le processus de la photosynthèse est complexe, mais en termes simplifiés, ça se résume à utiliser l'énergie lumineuse pour séparer l'eau (H2O) et fixer le dioxyde de carbone (CO2) pour former les hydrates de carbone (CH2O) et le dioxygène (O2). La qualité (spectre), la quantité (intensité) et la durée d’éclairage (photopériode) sont des propriétés lumineuses distinctes quoique liées qui influencent la photosynthèse.
Les systèmes d'éclairage horticole peuvent être utilisés pour fournir une lumière photopériodique afin de prolonger la durée de la journée pour favoriser ou supprimer la floraison des plantes, quelle que soit la saison ou le climat. Traditionnellement, les lampes DHI (décharge à haute intensité), incandescentes ou fluorescentes ont été utilisées pour fournir un éclairage photopériodique dans les jardins intérieures. Cependant, ces technologies sont relativement inefficaces pour convertir l'énergie électrique en PAR (rayonnement actif photosynthétique). La lampe à diode électroluminescente (LED) semble répondre à ce besoin, or la maîtrise dans l’application de cette technologie est plus lente que souhaitée.
DISTRIBUTION D’AIR
La distribution de l’air est aussi d’une immense importance, car un mouvement excessif d’air peut augmenter la transpiration de certaines plantes provoquant de ce fait ce que les cultivateurs appellent des brûlures par le vent. À ce jour, personne ne semble maîtriser cet aspect, car contrairement au reste des applications habituelles, ici nous avons une plante qui croît et qui modifie continuellement l’effet de la distribution de l’air. Les simulations computationnelles en dynamique des fluides (CFD) nous aident grandement à prédire le succès du concept de la distribution de l’air. L’analyse des diverses simulations tridimensionnelles pour une grande variété d'écoulements de fluides, de transferts de chaleur et de changements de phase nous permet de valider la meilleure solution. Il faut trouver le juste milieu : le mouvement d’air est souhaitable, car il maintient et favorise la structure de la plante!
LA QUALITÉ DE L’AIR INTÉRIEURE
La filtration de l’air est un enjeu important, car on assure une qualité de produit. Pour aider à prévenir les fuites de pollen, d'odeurs et d'autres particules, tout l'air évacué de la zone de culture et des autres zones du site contenant des plantes peut être traité à l'aide de systèmes de filtration d'air appropriés. Par exemple, un filtre à air particulaire à haute efficacité tel qu'un filtre HEPA peut assurer une filtration appropriée de l'air extrait. (3)
Le niveau de CO2 atmosphérique de l'air extérieur est d'environ 400 ppm (parties par million). Toutefois, certaines plantes ont la capacité de prospérer à des niveaux beaucoup plus élevés que cela! Par exemple, le fait de doubler cette concentration entraîne une augmentation majeure du taux de photosynthèse. Ces gains peuvent cependant diminuer à des concentrations supérieures à 1000 ppm, tout dépendant de la génétique de la plante. Les plantes utilisent du CO2 seulement pendant la journée, lorsque les lumières sont allumées et que les stomates sont ouverts. Par conséquent, un taux élevé de CO2 peut augmenter vos rendements et votre croissance. De ce fait, on verra à minimiser l’admission d’air frais lors de la mise en place d’un environnement à taux élevé de CO2. Dans la mesure où l’on devra purger l’espace afin de rétablir un niveau de CO2 adéquat pour l’humain, l’extraction de l’air devra, dans certain cas, comporter une filtration d’odeur, en plus de la filtration de particules.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
En conclusion, l’importance d’admettre le problème de la famine mondiale doit motiver l’avancement technologique de l’horticulture intérieure. Les technologies du génie climatique, de la génétique et de l’horticulture doivent travailler conjointement afin d’explorer des solutions optimistes. La combinaison de cet amalgame technologique devra apporter des solutions écologiques avec une faible consommation énergétique et une consommation d’eau presque nulle. Tout cela considéré, l’horticulture intérieure n’a rien de naturel !
AUTEUR :
Enrico Di Pietro, ing.
Membre UL panel technique des standards pour l’horticulture intérieure, Ingénieur de support aux technologies d’horticulture intérieure, Directeur de succursale Ottawa Price industries et Enseignant, Département de la mécanique du bâtiment, Collège Ahuntsic
RÉFÉRENCES :
1 - Chaib, Fadela (2018, 11 septembre). «Selon un rapport de l’ONU, la faim dans le monde continue d’augmenter». Organisation mondiale de la Santé. http://www.who.int/fr/news-room/detail/11-09-2018-global-hunger-continues-to-rise---new-un-report-says
2 - Viviano, Frank (2017, septembre). «A tiny country feeds the world». National Geographic, https://www.nationalgeographic.com/magazine/2017/09/holland-agriculture-sustainable-farming/
3 - Gouvernement du Canada (2013, Juin). «Exigences en matière de sécurité des bâtiments et de la production de marihuana à des fins médicales». Publié avec l'autorisation du ministre de la santé. https://www.canada.ca/content/dam/hc-sc/migration/hc-sc/dhp-mps/alt_formats/pdf/marihuana/info/bp-securit-eng.pdf