ÉCONOMIES D’ÉNERGIE AVEC LE DESSICANT RÉGÉNÉRÉ À BASSE TEMPÉRATURE
Dans cet article, nous verrons le principe de fonctionnement du dessicant, les économies d’énergie que le dessicant régénéré à basse température peut engendrer, les endroits où il est justifié de l’utiliser ainsi que ses avantages...
Principe de fonctionnement
Les matériaux dessicants ont une grande affinité avec l’eau. Ils attirent l’eau en formant à leur surface une zone à faible pression de vapeur. La vapeur de l’air, ayant une pression plus élevée, se déplace de l’air vers la surface du matériau et l’air est déshumidifié. L’absorption implique un changement de phase de la vapeur vers l’état liquide, tandis que l’adsorption implique que la vapeur reste piégée à l’état gazeux dans les pores de l’adsorbant à la manière d’une éponge qui retient l’eau à traversses capillaires. Ces substances sont déposées sur un support à structure en nids d’abeilles (une roue). Lorsque la substance devient saturée, il faut la chauffer pour qu’elle libère la vapeur d’eau.
Schéma 1: Principe de fonctionnement du dessicant
Principe de fonctionnement du dessicant
M. Karl Munters développa la roue dessicante dans les années 1950. Sa première application fut pour déshumidifier les cales des navires marchands. Le dessicant régénéré au gaz naturel est une technologie qui a fait ses preuves depuis plus de 60 ans. Par contre, sa consommation élevée d’énergie et le manque d’application pour des points de rosée très bas ont freiné le développement de cette technologie dans le marché commercial. Nous la retrouvons principalement dans le secteur industriel.
La venue sur le marché des roues dessicantes régénérées à basse température vers la fin des années 1990 a permis l’expansion du dessicant dans le secteur commercial. En effet, la sensibilisation à l’économie d’énergie, l’engouement pour des technologies plus vertes ont contribué à l’essor de cette technologie. Le changement de réglementation est un autre facteur positif. Les nouvelles normes en vigueur exigent l’introduction de plus grandes quantités d’air frais dans les édifices (notamment avec les normes LEED), ce qui avantage cette technologie.
Schéma 2: Charte psychométrique illustrant la différence de tonnage requise entre un
système dessicant et un système utilisant un serpentin à eau refroidie (capacité de 2831 l/s)
Les systèmes régénérés à basse température ( 46°C à la roue ) peuvent atteindre des points de rosée sous le point de congélation ( -5°C dp ), ce qui sera suffisant pour toutes les applications commerciales. Cette technologie permet d’utiliser la chaleur rejetée par des compresseurs pour régénérer la roue dessicante, ce qui rend le système plus performant qu’un système traditionnel de déshumidification.
Comme nous pouvons le voir sur le schéma 2 (la charte psychométrique prend l’exemple d’un système de 2831 l / s), la capacité de refroidissement requise ( tonnage ) est moindre pour atteindre le point de rosée désiré. L’économie de capacité du système dessicant dans les conditions de conception sera de l’ordre de 30 % et atteindra 46 % dans les conditions moyennes. Cette différence de performance s’explique par le fait que la technologie évite le sous-refroidissement et utilise la chaleur rejetée par ses propres compresseurs pour régénérer la roue dessicante. Comme ces systèmes sont performants en déshumidification, il sera justifié de les utiliser pour traiter l’air frais.
Nous avons illustré les performances pour une unité de 3775 l / s avec les conditions de Montréal. Comme nous pouvons le voir sur le schéma 3, une première déshumidification est réalisée à l’aide d’un serpentin de prérefroidissement (évaporateur) qui abaisse l’air extérieur de 24°C et 101gr / lb ( conditions correspondant à 2 % ASHRAE en déshumidification ) à 9°C et 50 gr / lb. Ce serpentin est divisé en quatre circuits correspondant à quatre compresseurs ( A, B, C et D ). Le premier de ces compresseurs ( A ) rejette sa chaleur dans un condenseur situé avant la roue dessicante dans le circuit d’air de régénération. Du côté régénération, c’est donc 1829 l / s d’air extérieur à 24°C et 101gr / lb qui seront chauffés par 165 MBH rejetés par ce compresseur de 10 tonnes A pour assécher la roue. Cette chaleur permettra à la roue dessicante d’enlever 17 autres grains ( 50 gr / lb après le serpentin à 33 gr / lb après la roue ) à l’air extérieur prérefroidi et d’atteindre facilement un point de rosée de 3°C dp. Notons que ce point est pratiquement inatteignable avec un système conventionnel. En effet, pour atteindre ce point, l’évaporateur d’un système traditionnel devrait être sous le point de congélation, impliquant des cycles de dégivrage énergivores. Du côté température, l’air qui était à 9°C gagne 9°C pour s’élever à 18°C.
Les 4 compresseurs permettront à l’unité de moduler en mode déshumidification ( avec l’aide de la roue dessicante ) ou en mode de refroidissement ( la roue est évitée par un volet d’évitement ) pour maintenir de façon très précise les conditions demandées à l’intérieur de la pièce. Un contrôle indépendant de l’humidité et de la température est donc rendu possible. Cette stratégie augmente grandement le confort des occupants et permet des économies d’énergie.
Schéma 3: Performances d’un système dessicant de 3775 l/s aux conditions de Montréal l’été
Applications
Musées
Prenons l’exemple d’un musée où le système de ventilation doit maintenir un point de rosée déterminé 7,2°C dp et qu’il est conçu pour un achalandage de 1 000 personnes. Lorsque peu de visiteurs sont présents, les charges sensibles et latentes seront moindres. Un système traditionnel traitant l’air frais devra donc abaisser tout l’air extérieur pour ensuite la réchauffer afin de maintenir les conditions requises, ce qui résulte en une grande dépense d’énergie.
Supermarchés
Dans les supermarchés, de grandes quantités d’air frais doivent être introduites, afin de compenser l’air évacué par les hottes des comptoirs de cuisine ( boulangerie, plats cuisinés sur place ). En alimentant de l’air très sec à 5°C dp ( 18°C et 40 % humidité relative ( hr ) ) dans les sections des produits surgelés, on élimine la formation de brouillard sur les portes vitrées des congélateurs et on diminue le temps de dégivrage des comptoirs réfrigérés, ce qui génère d’importantes économies d’énergie.
Hôpitaux
Dans les salles de chirurgie des hôpitaux, cette technologie remplace avantageusement en termes d’économies d’énergie, de coûts d’installation et d’exploitation, les refroidisseurs à basse température utilisés pour obtenir des points de rosée plus bas ( 4°C dp ) 17°C et 45 % hr. Dans le système de poutre refroidie ( chill beam ), toute la charge latente doit être contrée par le système d’apport d’air frais afin d’éviter toute condensation dans les fauxplafonds. En fait, le point de rosée de l’air frais détermine ( conjointement avec l’occupation de l’édifice ) la quantité minimale d’air extérieur, qui doit être acheminé pour déshumidifier et éviter la condensation. Plus cet air est sec plus cette quantité pourra être réduite. Les bâtiments utilisant des planchers et des murs radiants sont dans la même situation.
Dans les centres hospitaliers de soins de longue durée, où la déshumidification est un facteur important, le maintien de conditions rappelant le sud-ouest des États-Unis ( 26°C et 30 % hr ) est très apprécié des personnes âgées et est facilement atteignable avec ces systèmes.
Arénas
Dans les arénas, comme le point de rosée à maintenir est près du point de congélation 4°C dp pour éviter toute condensation, il est justifié d’utiliser de tels systèmes. L’air alimenté par cette technologie sera sous le point de congélation, ce qui est impossible à atteindre avec un système à compression. Cette technologie jumelée à des roues d’enthalpie pour des applications où nous pouvons récupérer l’énergie de l’air évacué rend le système encore plus performant, car l’air de retour de la bâtisse est ensuite utilisé pour régénérer la roue dessicante. Les vestiaires des centres sportifs en seraient un bon exemple. En contrôlant le niveau d’humidité, nous arrivons à contrôler les odeurs…
Schéma 4: Tableau illustrant les effets de l’humidité relative sur la santé humaine
AVANTAGES
En plus des économies d’énergie et du confort accru des usagers, un autre avantage majeur de cette technologie peut lui être attribué : la qualité de l’air. En effet, il est clairement identifié par Sterling ( 1984 ) que maintenir des niveaux d’humidité relativement bas entre 40 et 60 % diminue l’effet des différents agents pathogènes sur la santé humaine ( voir le tableau 4 ). En ce sens, le dessicant constitue une assurance pour les concepteurs afin de limiter les risques de développement de moisissures dans les conduits de ventilation ainsi que dans la bâtisse.
Ceci devient un atout de grande importance en milieu hospitalier où les patients sont immunodéficients. En effet, dans la majorité des systèmes de ventilation actuels, de l’air ayant été déshumidifié par un serpentin de refroidissement traditionnel est saturé à 13°C. Ce taux élevé d’humidité relative de 100 % ( ou 97 % si le ventilateur du système est situé en aval du serpentin ) favorise la prolifération de moisissures dans les conduits de ventilations. Ceci augmente aussi l’entretien qui se traduira par des coûts plus élevés d’exploitation du bâtiment. Pour des raisons d’économies d’énergie, de confort accru des occupants, ainsi que de qualité de l’air, le dessicant régénéré à basse température s’impose dorénavant comme technologie verte en milieu commercial.
Auteur :
Luc Martin, ing., EI Solutions Inc.
Source :
Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie (AQME), Revue La maîtrise de l'énergie, hiver 2011