Serres : valoriser le CO2 des fumées des appareils à gaz naturel pour économiser
Au Québec, le chauffage des serres représente jusqu’à 30 % des coûts d’exploitation des producteurs horticoles et maraîchers. Pour demeurer concurrentiels, ces derniers doivent réduire cette proportion en implantant de nouvelles solutions telles que des équipements plus efficaces, des écrans thermiques et des stratégies de contrôle de la température la nuit. Ces mesures sont des stratégies intéressantes pour réduire leur facture énergétique.
Dans une optique de rentabilité accrue, les producteurs en serres doivent jumeler économies d’énergie et augmentation de la productivité. L’éclairage artificiel et l’enrichissement de l’air de la serre en CO2, en prolongeant les périodes de photosynthèse, permettent d’accélérer la croissance des plants.
Deux façons d’enrichir en CO2 l’air des serres
L’enrichissement en CO2 des serres peut se faire selon deux approches :
- L’injection de CO2, acheté et livré sous forme liquide;
- La production locale de CO2 à partir de la combustion du gaz naturel.
Deux approches, quatre technologies différentes disponibles
Réservoir de stockage de CO2 liquide
Le concept d’injection de CO2 liquide dans les serres se fait à partir d’un réservoir de stockage de CO2 liquide auquel est intégré un système de dépressurisation pour vaporiser le CO2.
Il est important de souligner qu’une faible variation de pression peut avoir un impact sur la distribution du CO2 dans la serre.
Générateur de CO2 au gaz naturel
Le générateur de CO2 est un brûleur au gaz naturel qui évacue directement ses produits de combustion (CO2 + H2O vapeur) dans la serre. Chaque mètre cube de gaz naturel produit 1,9 kg de CO2/m³ de gaz naturel brûlé.
Le Code CSA B149.1[1] permet l’utilisation de ce type d’équipement à condition que la capacité installée n’excède pas 20 Btu/h*pi³ du volume de la serre.
Malgré le fait que la chaleur soit récupérée dans la serre, il n’est pas recommandé d’utiliser cet équipement dans le but de chauffer. En effet, les demandes de chauffage les plus importantes ont lieu la nuit, durant laquelle l’apport de CO2 n’est pas requis. Au contraire, injecter du CO2 en période nocturne pourrait être néfaste pour les plants.
Récupération des gaz d’échappement d’une unité décentralisée de combustion au gaz naturel à condensation
Ce concept de récupération des gaz d’échappement est possible grâce à une exemption au Code d’installation du gaz naturel et du propane CSA B149.1. L’article 8.9.1 exige que tout appareil soit raccordé à une cheminée ou à un conduit d’évacuation, sauf quelques exceptions, comme l’alinéa :
d) ne dépasse un appareil installé pour la production de dioxyde de carbone dans une serre où le taux de combustion pas 3 BTU/h/pi3 (30 W/m3) du volume de la serre, et où la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ne dépasse pas 5 000 ppm (0,5 %); et
Ce concept récupère le CO2 contenu dans les produits de combustion d’un appareil de chauffage décentralisé au gaz naturel (par exemple, un aérotherme) et l’injecte au besoin dans la serre. Lorsque du CO2 est requis, une valve de déviation envoie les gaz d’échappement dans la serre. Afin de conserver le même taux d’humidité dans la serre lors d’injection de CO2, il est conseillé d’appliquer ce concept à partir d’un appareil dont l’efficacité permet la condensation, vu la déshumidification des gaz d’échappement. À noter qu'Énergir offre une aide financière pour l’installation d’aérothermes à condensation.
Récupération des gaz d’échappement d’une unité centralisée de combustion au gaz naturel
Les chaudières de grande capacité évacuent des produits de combustion trop chauds pour les injecter directement dans la serre. Un récupérateur à condensation est alors requis pour abaisser la température des produits de combustion tout en condensant la vapeur d’eau issue de la combustion. Un surplus d’énergie thermique peut être généré; toutefois, si c’est le cas, il peut être stocké dans une réserve d’eau tampon bien isolée pour être ensuite injecté dans les serres lorsque le besoin de chauffage sera requis.
L’eau est générée à un taux de 1,5 kg/m³ de gaz naturel brûlé, et elle peut être récupérée pour satisfaire les besoins d’irrigation. Il faudra alors la neutraliser ou la diluer pour obtenir le PH requis. Le taux d’injection du CO2 dans la serre dépend du type de cultures. Puisque le CO2 aura tendance à acidifier l’eau des produits de combustion, le récupérateur doit être conçu en fonction d’un PH légèrement acide.
Par ailleurs, pour distribuer l’énergie thermique dans les serres, les réseaux de tuyauterie d’eau chaude sont les plus efficaces pour uniformiser la température. La tuyauterie d’eau chaude sert aussi de rails pour les chariots entre les rangs des plants et assure leur transpiration tout en créant un mouvement d’air autour d’eux. Un deuxième réseau d’eau chaude, amovible et installé au-dessus des plants, peut être utile pour en chauffer le dessus et en contrôler la croissance verticale. Enfin, un troisième réseau à haute température installé dans le haut des serres fournira, au besoin, de la chaleur pour éviter l’accumulation et faire fondre la neige.
Quelle solution choisir ?
Un projet pilote visant à injecter du CO2 à partir des fumées d'aérothermes à condensation et à modifier les consignes de température d’une serre horticole d’un client d'Énergir a permis de démontrer la rentabilité et le potentiel d’économie de cette stratégie. À ce titre, ce client a reçu une aide financière de 35 000 $ dans le cadre du programme « Innovations » d'Énergir, le nouveau Gaz Métro.
Au final, avec des appareils de chauffage à gaz naturel, tout mètre cube consommé produit 1.9 kg de CO2 que le client peut réutiliser pour augmenter la croissance de ses plants et réduire significativement ses coûts de production, en cessant de laisser partir en fumée ses économies et en récupérant les gaz à effet de serre pour une bonne cause.
Sami Maksoud, ing., M.Ing., MBA, CMVP®
Conseiller, Efficacité énergétique, DATECH, Énergir
Charles Côté, ing.
Conseiller, Technologies, codes et normes, DATECH, Énergir
Guy Desrosiers, ing., CEM, CMVP®
Conseiller pour les grandes entreprises, Efficacité énergétique, DATECH, Énergir