CE QUE VOUS AVEZ PEUT-ÊTRE MANQUÉ...SOUPER-CONFÉRENCE DU 10 AVRIL 2017
Lundi le 10 février 2017 dernier, avait lieu la soirée fonds de recherche et histoire, du chapitre de Montréal, nous avons eu le plaisir d’accueillir M. Yves St-Georges, ing. et M. Jean-François Latour B. Sc. de SNC-Lavalin qui sont venus nous parler, en conférence technique, des défis liés l’acoustique de nouvelle Maison Symphonique de Montréal. Puis, pour la conférence principale, nous avons reçu Mme Stéphanie Taylor. MD, diplômée de l’université Harvard, et PDG de Taylor Healthcare Commissionning inc., qui nous a expliqué l’importance de l’humidification vis-à-vis de la santé.
Conférence technique
LA MAISON SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL : UNE CONCEPTION ACOUSTIQUE DE CALIBRE MONDIAL présenté par M. Yves St-Georges, ing, PMP Directeur de projet et concepteur mécanique chez SNC-Lavallin et M. Jean-Francois Latour, B.Sc., ASA Chargé de projet en acoustique et vibrations
La Maison Symphonique de Montréal est vue à travers le monde comme étant parmi les meilleures salles de spectacles acoustiques. En établissant des critères de niveau sonore, d’architecture, de design et d’emplacement très exigeants, la conception de la nouvelle salle de l’orchestre symphonique de Montréal a posé un des plus grands défis en mécanique du bâtiment du Québec.
Image 1 : intérieure de la Maison Symphonique de Montréal
L’équipe de conception devait concevoir une salle de classe internationale et capable de s’adapter à des acoustiques variables selon les besoins de chaque concert, c’est-à-dire avec ou sans amplification. De plus, le design acoustique de la salle devait faire en sorte que tous les spectateurs aient la même perception sonore peu importe leur emplacement dans la salle. Ceci devait être réalisé malgré la géométrie et l’emplacement de la salle qui étaient imposés. Bien que la salle a été construite au cœur du centre-ville de Montréal, tout près du métro Place-des-Arts, elle devait rencontrer le critère de bruit (Noise Criteria) de niveau N1, c’est-à-dire, que le niveau des bruits de fond perçus dans la salle doit être en deçà du niveau d’audition de l’oreille humaine.
Afin d’offrir la même expérience à chaque spectateur, la salle incorpore plusieurs éléments architecturaux et mécaniques spécifiques. Elle est conçue sous le principe de la « boite de chaussure » (ShoeBox design), des proportions qui ont fait leurs preuves dans les plus prestigieuses salles symphoniques partout à travers le monde. Ainsi, les proportions de la salle respectent le nombre d’or et favorisent la propagation des harmoniques. Chaque surface de la salle fût méticuleusement analysée, du point de vue de la masse et de la densité, et sélectionnée afin de d’assurer la meilleure réflexion et qualité sonore tant pour les spectacles acoustiques que les spectacles amplifiés électriquement. De plus, un agencement d’ornements de plâtre et de bois brossé fût préconisé afin de diffuser les hautes fréquences. Une attention particulière fût accordée aux « nez » de balcons. Ils ont été optimisés à l’aide de bois d’ingénierie afin d’obtenir la densité et la masse optimale. Chaque surface comportant du bois collé fût méticuleusement inspectée afin d’éviter la mauvaise qualité sonore.
Afin de rencontrer le critère de son N1, c’est-à-dire, faire en sorte que le niveau sonore à l’intérieure de la salle soit inférieure au seuil d’audition de l’humain, plusieurs prouesses d’ingénierie furent nécessaires tant d’un point de vue structurel que mécanique. La première prouesse structurelle, et non la moindre, est que la salle est complètement indépendante du reste du bâtiment (voir image 2). Afin d’isoler la salle des vibrations provenant du centre-ville, comme par exemple du métro ou des axes routiers adjacents, la salle fût bâtie sous le principe de la « boite dans la boite ». Ainsi, la salle repose sur un ensemble d’isolateurs de vibration latéraux et verticaux en caoutchouc comme ceux conçues pour les ponts. La structure de la salle est basée sur une série de poutre de 4 mètres d’épaisseur optimisées afin d’éliminer au maximum la transmission des vibrations. De plus, tous les accès à la salle sont équipés de sas qui empêchent l’admission du son, des vibrations et de la lumière provenant de l’extérieur.
Image 2 : principe de la boite dans la boite.
Après la structure, la conception et la mise en œuvre des systèmes mécaniques ont eux aussi posés de grands défis. Il s’avère qu’il n’existait pas d’équipement sur le marché rencontrant les exigences accrues du critère de bruit N1. En combinant le critère N1 et l’exigence que et le confort thermique des spectateurs, il fût nécessaire de développer de nouveau produits construits sur mesure pour ce projet. Le système de ventilation développé repose sur un ensemble de ventilateurs à entraînement direct et en parallèle ce qui permet la redondance et nécessite moins d’entretien et permet d’opérer à des fréquences sonores qui sont plus faciles à atténuer. De plus, l’alimentation d’air dans la salle se fait par des plenums acoustiques sous les sièges. La pression dans les plenums est maintenue à 15 Pa et la vitesse de l’air aux sièges est de 0,5 m/s (100 pi/min). Le système de ventilation n’utilise aucun ventilateur de retour et l’air retourne à la salle mécanique par un réseau de plenums en serpentin appelé « tube digestif » (voir image 3). Les dimensions du « tube digestif » sont telles qu’aucun bruit provenant de la salle mécanique ne s’en échappe. Les sons les plus graves, dont les longueurs d’ondes sont grandes peuvent y être atténués grâce aux changements de direction des conduits. Le tube fût optimisé à l’aide de l’analyse par éléments finis et fait en sorte qu’aucun silencieux n’a été ajouté.
Image 3 : principe de « tube digestif »
Suite à la mise en service de la salle, différentes mesures et analyses ont confirmé que la conception de la salle rencontre bel et bien le critère de niveau sonore N1. L’équipe de conception a réussi son pari!.
Conférence principale
L'IMPORTANCE D'HUMIDIFICATION VIS-À-VIS DE LA SANTÉ présenté par Mme Stephanie Taylor, MD, M Arch, RSPH(UK), MCABE, USA
En deuxième partie, nous avons eu la chance d’accueillir le docteur Stephanie Taylor. Madame Taylor a débuté sa carrière comme médecin oncologue. Après plusieurs années, voyant que trop de patients décédaient de maladies infectieuses contractées au cours de leur hospitalisation, Mme Taylor a voulu faire une différence et agir sur la qualité de l’environnement dans les hôpitaux. C’est ce qu’il l’a poussé à entreprendre des études en architecture et en ingénierie. Devenue chercheure, elle étudie maintenant l’impact des bâtiments sur la santé des occupants. C’est dans cette optique qu’elle est venue nous présenter sa conférence traitant de l’importance de l’humidification sur la santé des usagers dans les hôpitaux.
LES CONSTATS
Mme Taylor, nous dresse un portrait de la situation :
- Plusieurs patients meurent suite à une hospitalisation à cause de la prévalence des maladies infectieuses;
- Certaines affections sont devenues résistantes aux antibiotiques;
- Les maladies chroniques sont en hausse;
- Plusieurs maladies devenues rares refont surface
Évidemment, avec notre mode de vie plus sédentaire et le fait que nous passons plus de temps à l’intérieur (90%), la qualité de l’environnement intérieur est pointée du doigt, mais qu’en est-il exactement?
de nouveaux outils
Mme Taylor poursuit en résumant que les dernières grandes avancées scientifiques. Au 16e siècle les microscopes nous ont permis de voir ce qui nous était invisible à l’œil nu et d’accéder à ce monde invisible. Puis, le début des années 2000 a vu naître le « gene-o-scope » nous permettant d’aller plus loin dans notre compréhension de l’ADN et des maladies génétiques. Actuellement, la communauté scientifique va plus loin en développant des outils d’analyse de l’ADN du microbiome.
Mme Taylor continue en expliquant que nous sommes faits de bactéries et que notre corps comporte plus de cellules microbiennes qu’humaines (voir image 4). Ces cellules interagissent avec notre environnement nous léguons des microbes à l’environnement, mais nous en absorbons aussi c’est pourquoi les bâtiments ont un impact sur notre santé.
Image 4 : proportion des cellules dans le corps humain
l'effet de l'environnement sur la santé
Mme Taylor poursuit son exposé en nous parlant des recherches sur l’impact de la qualité de l’environnement intérieur des édifices sur la santé. Des études révèlent que plus de 10 % des patients hospitalisés sont affectés par une infection associée aux soins de santé (ou en anglais HAI – Healthcare-associated infection), c’est-à-dire une infection développée par le patient pendant qu’il reçoit un traitement médical dans un centre de soins de santé. Mme Taylor et son équipe a donc mené une étude d’un an, dans un hôpital donné, afin de faire la corrélation entre les conditions de vie intérieures et le développement de nouvelles infections chez les patients. Ils ont donc recueillis diverses données de la chambre de patients à toutes les 30 minutes pendant 1 an (voir image 5).
Image 5: Collecte de données
Les résultats obtenus montrent que l’humidité relative est le facteur le plus important sur l’éclosion des infections associées aux soins de santé (voir image 6).
Image 6: Relation entre l’humidité et les HAIs
On voit qu’une augmentation de l’humidité relative réduit la prévalence des infections ce qui contredit notre tendance à vouloir réduire le taux d’humidité dans les bâtiments.
nous sommes faits d'eau
Mme Taylor explique que nous sommes faits d’eau à 75%. Nous en avons besoin pour nos fonctions vitales et que nous devons combattre la déshydratation tout au long de notre vie. Comme nous le savons, dans un milieu sec, un élément humide aura tendance à se dessécher pour atteindre de l’équilibre. Or, notre corps riche en eau offre une grande surface d’échange avec l’air ambiant (peau, nez, sinus, bronches, etc.). Si l’humidité relative est maintenue à 20%, une personne moyenne se déshydratera en 8 heures, avant même que la soif ne se fasse sentir! Les symptômes de la déshydrations sont notamment une baisse des fonctions cérébrales, la réduction des défenses naturelles contre les infections et les allergies et une perte d’intégrité de la peau et de la capacité de cicatrisation.
De plus, Mme Taylor précise que lorsque l’air est sec, il est plus difficile pour notre corps d’empêcher les microbes de pénétrer dans nos voies respiratoires. De surcroît, plus les microbes descendent loin dans les bronches et les poumons, plus nous sommes malades (par ex. sinusite vs bronchite vs pneumonie). Elle ajoute aussi que les bébés et les aînés sont plus vulnérables aux effets négatifs d’une trop basse humidité de l’air ambiant. Et à l’inverse, les pathogènes adorent l’air sec! Ils ont une meilleure transmission dans l’air, une durée de vie prolongée, peuvent pénétrer plus facilement dans le corps humain et sont plus difficiles à éliminer par le lavage des surfaces. Mme Taylor explique que lorsque nous toussons, les goulettes émises sont de l’ordre de 0,5 à 100 microns. Plus une goulette est petite, plus elle flottera dans l’air longtemps, jusqu’à 41 heures pour 0,5 microns et seulement 6 secondes pour 100 microns. Lors que l’air est entre 40% et 60% HR les gouttelettes s’évaporent moins vite et se déposent rapidement sur les surfaces qui peuvent être désinfectées. Par contre, lorsque l’humidité est moindre, les goulettes s’évaporent et réduisent en taille ce qui leur permet de rester en suspension dans l’air plus longtemps, d’être entrainées par la ventilation et de re-contaminer les surfaces plusieurs heures après leur nettoyage.
« 40 is the new 20! »
Mme Taylor termine son exposé sur ce message : 40 % d’humidité relative devrait être le taux ciblé dans le design et l’opération des bâtiments. Si on observe le graphique suivant (image 7), on voit qu’à 40% HR, 80% des virus de l’influenza seront inactifs après 15 minutes.
Image 7 : viabilité des virus de l’influenza en fonction de l’humidité relative
Elle fait ensuite la relation entre le climat et les éclosions épidémiques. Il a été observé que les éclosions de méningite en Afrique se produisent lorsque le taux d’humidité est bas et stoppées lorsque l’humidité remonte au-delà de 40%. Elle présente ensuite un graphique (voir image 8) des taux d’humidité idéaux (40-60%) pour la santé versus les taux moyens des bâtiments (20-40% en hiver).
Image 8 : humidité optimale pour la santé
C’est donc dire que l’industrie du bâtiment doit opérer un changement. D’une part, les gestionnaires immobiliers, qui souhaitent garder leurs immeubles en bon état, pensent que des taux d’humidité bas sont préférables, car il est plus facile d’empêcher la condensation sur les surfaces. Aussi, il est plus facile de concevoir des bâtiments en tenant compte d’un faible taux d’humidité intérieur, car cela évite plus aisément les de points de rosée dans les murs extérieurs. D’autre part, les occupants ont besoin d’un taux d’humidité entre 40 et 60% pour réduire la propagation des infections, réduire les allergies, améliorer l’hydratation et la cicatrisation, et éventuellement, obtenir de meilleurs performances au travail. Mme Taylor ajoute que pour un hôpital, même si le maintien d’une bonne humidité relative peut sembler couteux, il est en fait économique, car il permet d’éviter les infections associées aux soins de santé. Un patient hospitalisé pour ces maladies occupe un lit et demande des soins qui pourraient être donnés à une autre personne.
Elle conclut son exposé en demandant aux ingénieurs, gestionnaires immobiliers et cliniciens de collaborer pour améliorer la santé publique. Plus que jamais nous devons étudier ensemble la qualité de l’air intérieur des édifices et proposer de nouvelles approches tant au niveau de l’enveloppe que des systèmes CVCA.
Adam Fecteau et Mariline Fréchette, comité édition
Voici un aperçu des différents présentoirs de notre dernière soirée
Grundfos
François Séguin, Marco Di Cesare
Jaga
Alex Naja, Émilie Boyer
Transfab Énergie
Nicolas Gariépy, Stéphane Lacombe, Frédéric Blanchet
Master
Julien Labelle, Jonathan Hackett