Dans le cadre de la Conférence de Paris à l’automne 2015, le Québec s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de réduction des gaz à effet de serre. Pour 2030, une réduction de 37,5 % des GES par rapport aux émissions de 1990 est visée. En 2013, nos émissions étaient de 81,2 Mt équivalent de CO2 et se répartissaient comme suit :
- Transport : 43 %
- Industrie : 30,8 %
- Résidentiel, commercial et institutionnel : 9,5 %
- Agriculture : 9,2 %
- Déchets : 7,2 %
- Production d’électricité : 0,3 %
Les déchets. Qui aurait cru qu’ils soient si dommageables. Nous les mettons à la rue, et hop, ils disparaissent. Pourtant, les déchets que nous envoyons aux sites d’enfouissement dégagent du méthane, car la matière organique qui s’y trouve finit par se décomposer. Le méthane (CH4) a un potentiel de réchauffement global (PRG) 21 fois plus élevé que le dioxyde de carbone (CO2) sur une période de 100 ans. Au Québec, nous produisons 13 millions de tonnes de déchets résiduels annuellement. C’est un potentiel intéressant à exploiter et il est temps de passer à l’action.
Ainsi, au Québec, il faudra éliminer les déchets organiques des sites d’enfouissement afin de répondre aux objectifs très ambitieux de la province. Ces déchets qui produisent des gaz à effet de serre peuvent être revalorisés sous forme de biogaz ou sous forme de compost. En plus des déchets organiques du secteur résidentiel, les boues municipales et les résidus de pelouse peuvent aussi contribuer à la production de biogaz. La capacité de production de biogaz de ces déchets organiques varie d’environ 50 à 120 m³ de biométhane par tonne de produits.
Quelques définitions
La digestion anaérobique est en fait une dégradation de la matière organique sans apport d’oxygène qui produit un mélange de gaz contenant du méthane et un liquide appelé le lexiviat. Ce phénomène se produit naturellement dans les marais par exemple, ou lors de la digestion des ruminants. Dans une installation industrielle, cette digestion pour la production de biogaz peut prendre entre 15 et 40 jours dans un bioréacteur. Ce biogaz est un mélange principalement constitué de méthane (CH4), soit entre 50 et 75 %, et de dioxyde de carbone (CO2), entre 25 et 50 %. Le biométhane est l’étape suivante. Effectivement, le biogaz devient du biométhane une fois qu’il est nettoyé de ses impuretés et qu’il a les mêmes caractéristiques que le gaz naturel distribué dans le réseau de Gaz Métro. Le biogaz capté et nettoyé des sites d’enfouissement ou encore des stations d’épuration des eaux usées permet de réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre. En effet, le gaz naturel renouvelable (GNR) n’émet pas de GES.
Ce GNR peut être utilisé ou vendu de différentes façons, tel qu’il est illustré à la figure 1.
- Autoconsommation : le producteur de biométhane utilise ce carburant pour ses propres besoins, soit le chauffage, la production d’eau chaude, ou encore le transport. Il arrive que la production dépasse les besoins réels.
- Vente directe : le producteur peut utiliser le réseau gazier pour vendre son gaz naturel renouvelable directement à un client particulier.
- Vente à Gaz Métro : le producteur vend une partie ou la totalité de son GNR à Gaz Métro au prix « spot » (valeur quotidienne) du gaz naturel conventionnel. À cela, il faut ajouter les coûts du transport et de la compression du gaz entre son lieu de production et le Québec, et du SPEDE (Système de plafonnement et d’échange des droits d’émissions de gaz à effet de serre).
[Figure 1]
Pour les projets d’injection de biométhane dans le réseau de distribution de Gaz Métro, différents modèles d’affaires ont été analysés et présentés à la Régie de l’énergie. Le modèle privilégié par Gaz Métro est le suivant :
[figure 2]
Le promoteur d’un projet d’injection de biométhane dans le réseau de distribution est responsable de la production du biogaz (biométhanisation), de son nettoyage pour en obtenir du biométhane (même qualité que le gaz naturel réseau), et de sa compression afin de l’injecter dans le réseau de distribution. Gaz Métro se chargera du mesurage et du contrôle de qualité, du raccordement au réseau de distribution, et de la distribution du GNR. La composition du GNR doit être très semblable à celle du gaz naturel conventionnel afin qu’il n’y ait pas de différence à l’utilisation. Gaz Métro devra acheter le GNR et le promoteur devra payer un tarif d’injection au réseau de Gaz Métro. Le tarif d’injection dépend de l’infrastructure qu’il faudra mettre en place pour recevoir le GNR et du volume de ce dernier. Tout au long de la réalisation d’un projet de production de biométhane et d’injection dans le réseau de Gaz Métro, différents intervenants de Gaz Métro sont impliqués afin d’assurer sa réussite.
Des projets inspirants
Des initiatives privées de production et d’injection de biométhane existent depuis plusieurs années. Dans le contexte de la Politique québécoise de la gestion des matières résiduelles, plusieurs villes et municipalités ont entamé des démarches. Ainsi, dans le Bas‐Saint-Laurent, plus de 70 municipalités traiteront plus de 25 000 tonnes annuellement de déchets pour produire environ 1,5 million de m³ de CH4. L’agglomération de Québec traitera plus de 180 000 tonnes de matières organiques pour produire plus de 7 millions de m³ de méthane par année. En Montérégie, il y a au moins quatre projets actuellement en analyse pour produire environ 5,4 millions de m³ de CH4.
C’est en 2017 que la ville de Saint-Hyacinthe aura réalisé son projet d’injection de GNR. Une partie de la production sera de l’autoconsommation (bâtiments municipaux et transport) et le reste sera injecté dans le réseau (90 %). Chaque année pour les 20 prochaines années, c’est près de 13 000 000 m³ de GNR qui seront produits, injectés dans le réseau et consommés au Québec. Les déchets organiques de la ville de Saint-Hyacinthe contribuent directement à l’atteinte des objectifs de réduction de GES du Québec.
Les projets énumérés ci-dessus ne se trouvent pas nécessairement sur le réseau de distribution de Gaz Métro, et la décision finale d’injecter dans le réseau n’est pas systématique. Qu’à cela ne tienne, le potentiel de réduction de nos émissions de GES par la valorisation des matières résiduelles est réel et il existe sans aucun doute une expertise au Québec.
1. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Direction des politiques de la qualité de l’atmosphère. 2016. Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2013 et leur évolution depuis 1990. Sur Internet : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/ges/2013/Inventaire1990-2013.pdf.
2. RECYC-QUÉBEC. Les matières organiques – Fiches techniques à l’intention des élus municipaux. Sur Internet : https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/fiches-techniques-mo.pdf.
3. Développement durable, Environnement et Lutte contre les changements climatiques. Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage. Sur Internet : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/programmes/biomethanisation/liste-projets.htm.
Source : InformTECH, volume 30, numéro 3, septembre 2016