Réfrigération : À l'heure des choix
Cet article a pu être publié grâce à la précieuse collaboration de l’ASHRAE chapitre de la Ville de Québec et à l’AQAIRS pour la permission de reproduire ce texte initialement publié dans l’édition d’octobre 2016 de « L’AQAIRS vous informe ! ». Le chapitre de Montréal remercie ces deux associations.
À l’heure où des changements importants s’amorcent dans le domaine de la réfrigération, il est parfois difficile pour un gestionnaire de prendre des décisions éclairées en la matière. Entre manque d’information et désinformation à des fins politiques, commerciales ou sensationnalistes, il est souvent ardu de mettre la main sur des renseignements contemporains, fiables et objectifs et à jour. Et s’il existait une association dont le rôle constitue précisément à offrir ce service à l’ensemble de la population ?
Avec ses 53 000 membres dans 132 pays, l’ASHRAE représente fidèlement les professionnels du bâtiment et du procédé. Son but : faire avancer les arts et les sciences du chauffage, de la ventilation, de la climatisation et de la réfrigération afin de servir l’humanité et promouvoir le développement durable.
Les réfrigérants, d’hier à aujourd’hui
« Au cours de l'histoire de la climatisation et de la réfrigération, de nombreuses substances ont été utilisées comme réfrigérants. Or, ces dernières années, il est devenu plus complexe de faire un choix. En effet, certains réfrigérants des premières générations, soit les chlorofluorocarbones (CFC) et les hydrochlorofluorocarbones (HCFC), ont contribué à l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique et sont par conséquent progressivement éliminés en vertu d'un accord international. Les CFC et les HCFC ont majoritairement été remplacés par les hydrofluorocarbones (HFC); certains de ces HFC ont cependant un potentiel de réchauffement climatique (PRC) élevé et, dans un contexte de changement climatique mondial, leur utilisation est de plus en plus contrôlée dans certains pays européens. Récemment, de nouveaux HFC (appelés hydrofluorooléfines ou HFO) ayant un PRC plus bas ont fait leur apparition. Ils ont un potentiel de destruction de l'ozone (PDO) nul et un PRC très bas, mais certains d'entre eux sont légèrement inflammables. »
« Les réfrigérants naturels comprennent l'ammoniac, le dioxyde de carbone, les hydrocarbures, l'eau et l'air. Certains réfrigérants naturels sont commercialisés depuis plusieurs dizaines d'années et ont été utilisés dans des domaines variés. Bien qu'une alternative plus écologique, l'utilisation de réfrigérants naturels n'est pas sans conséquences pour autant : la corrosion, la toxicité, les hautes pressions et l'inflammabilité sont tous des problèmes possibles, ainsi que, dans certains cas, une réduction de l'efficacité d'exploitation. »
- ASHRAE : Position Document on Refrigerants and Their Responsible Use, p.1
RAPPEL DE DÉFINITIONS :
- Le potentiel de destruction de l’ozone (PDO) est une valeur sans dimension indiquant la capacité d’un réfrigérant à endommager la couche d’ozone lorsque dégagé dans l’atmosphère. Sa valeur de référence est le CFC-11, qui a un PDO de 1.
- Le potentiel de réchauffement climatique (PRC) est une valeur sans dimension indiquant la capacité relative d’un réfrigérant à capter l’énergie radiante lorsque dégagé dans l’atmosphère. Sa valeur de référence est le CO2, qui a un PRC de 1.
Ainsi, si la destruction de la couche d’ozone, par les aérosols et les agents de soufflage, a amené la création de réfrigérants aux PDO réduits (les HCFC, comme le R-22) puis nuls (les HFC, comme le HFC-134a), la réduction des gaz à effet de serre est aujourd’hui le point focal des avancées en la matière. Comme le montre clairement le schéma suivant, tiré du Position Document de l’ASHRAE intitulé « Les réfrigérants et leur utilisation responsable » émis en 2012, réaffirmé en 2014 et valide jusqu’en 2017 [note de l'éditeur ASHRAE Montréal - depuis la parution de cet article, le document a été réaffirmé en 2017 et est valide jusqu'en 2020], nous sommes aujourd’hui à l’ère d’une utilisation partagée et réfléchie des réfrigérants naturels, des HFC, des HFO, mais aussi des mélanges entre ceux-ci :
Figure 1 - Changements en matière de réfrigérants.
« Les réfrigérants qui sont susceptibles d’être utilisés dans le futur sont les réfrigérants naturels, les HFC, les HFC insaturés (c’est-à-dire les HFO) ainsi que les mélanges de ces réfrigérants. »
- ASHRAE : Position Document on Refrigerants and Their Responsible Use, p.2
Ces réfrigérants synthétiques (HFO) et leurs mélanges sont traités de la même façon par l’ASHRAE car, à l’état moléculaire ou non, ils visent exactement le même but, à savoir la réduction (et non pas l’élimination) des émissions de gaz à effet de serre (GES), sans pour autant faire de compromis sur la toxicité et l’inflammabilité, qui demeurent très faible. En effet, il serait futile de régresser sur certains points considérés comme acquis depuis longtemps au profit d’autres avancées. La position de l’ASHRAE en matière de réfrigérants a toujours été de prioriser la santé et la sécurité des utilisateurs ainsi que des populations environnantes, et cela s’applique encore aujourd’hui.
Il faut également rappeler que le réfrigérant n’est pas un consommable; un système bien conçu et bien entretenu ne devrait pas laisser fuir de réfrigérant. En théorie, donc, un refroidisseur serait livré avec sa charge initiale et en serait délesté seulement et intégralement au moment de sa mise au rebut, à la fin de sa durée de vie utile. À ce moment, le réfrigérant serait traité adéquatement, comme les lois l’imposent déjà depuis plusieurs dizaines d’années, afin de prévenir toute influence néfaste sur l’environnement. On recommande néanmoins l’utilisation de systèmes réduisant la quantité de réfrigérant et maximisant l’étanchéité, afin de minimiser le taux de fuite.
Remplacement d’un système de réfrigération
Dans un même ordre d’idées, le remplacement d’un système de réfrigération ouvert (c’est-à-dire avec un condenseur à l’extérieur qui utilise directement le réfrigérant afin de rejeter la chaleur) au R-22 par un système fermé et construit selon les normes actuelles réduirait déjà de plus de 90 % les émissions de GES, même si on utilisait - hypothétiquement! - le même réfrigérant. Heureusement, les réglementations actuelles ne le permettraient pas, le R-22 étant déjà condamné en raison de son PDO. Cela confirme néanmoins l’urgence d’agir, car c’est la « sortie » d’un « vieux » système de réfrigération qui pèse dans la balance des GES, et ce peu importe le réfrigérant choisi pour le système de remplacement.
Il ne faut pas pour autant prendre à la légère le choix du réfrigérant dans un nouveau système, car ce choix ira bien au-delà des considérations environnementales. Comme le suggère l’ASHRAE, il convient d’adopter une approche holistique qui considère l’ensemble des points avant la prise de décision : PRC, pression d’opération, toxicité, inflammabilité, coût d’achat, etc. En d’autres mots, il ne faut jamais choisir un réfrigérant en fonction d’un seul et unique critère. Il faut donc prendre le temps de les analyser puis de les pondérer, de façon à arriver au meilleur compromis, car le réfrigérant parfait n’existe malheureusement pas :
« L'ASHRAE estime que le choix des réfrigérants et de leurs systèmes d'exploitation devrait être fait en fonction d'une analyse globale de critères multiples. Ces critères doivent comprendre l'efficacité énergétique, le rendement du système, les répercussions potentielles sur la sécurité communautaire, les risques en rapport à la sécurité personnelle ainsi que la réduction au minimum des conséquences environnementales directes et indirectes. »
- ASHRAE : Position Document on Refrigerants and Their Responsible Use, p.1
Il va sans dire que l’utilisation d’un réfrigérant ayant un PRC nul, tel que l’ammoniac, réduirait à 100% les émissions fugitives d’un système de réfrigération. Un système au CO2, quant à lui, amènerait une amélioration inversement proportionnelle à sa quantité de réfrigérant et son taux de fuite, jusqu’à un potentiel de 100%. Finalement, il est entendu que les systèmes utilisant les HFO et leurs mélanges réduisent les émissions de GES de 97% à 100%. Toutefois, il faut considérer toutes les émissions potentielles d’un bâtiment (climatisation, déshumidification, chauffage, eau chaude, etc.) ainsi que toutes les sources d’énergies utilisées avant de pouvoir juger de sa carboneutralité :
« L'énergie consommée par les systèmes de réfrigération provient souvent de combustibles fossiles, ce qui entraîne des émissions de CO2 contribuant au changement climatique mondial. Cet effet indirect associé à la production d'électricité a souvent un impact environnemental (empreinte carbone) plus important que les émissions produites directement par le réfrigérant. »
- ASHRAE : Position Document on Refrigerants and Their Responsible Use, p.4
Cadre réglementaire actuel et subventions
Si les réfrigérants naturels existent depuis toujours, ce n’est pas le cas des réfrigérants synthétiques de nouvelle génération au PRC réduit. En ce qui a trait plus spécifiquement aux HFO et mélanges de HFO, le document le plus pertinent à l’heure actuelle nous vient d’Environnement et Changements climatiques Canada. Publié en juin 2016, celui-ci précise la position fédérale au sujet de ces nouveaux réfrigérants. Plus concise que celle de l’EPA américaine (une vingtaine de pages comparativement à plusieurs centaines de pages), cette publication n’en présente pas moins une position presque en tous points similaire, ce qui est de bon augure pour les échanges techniques et commerciaux nord-américains.
On en retiendra surtout la valeur de 700, qui est le PRC à partir duquel un réfrigérant se verra éventuellement imposer un « Phase-Down », c’est-à-dire une réduction, mais pas un « Phase-Out », ou élimination, qui ne s’applique aujourd’hui qu’aux réfrigérants ayant un PDO. Le Programme de soutien pour le remplacement ou la modification des systèmes de réfrigération fonctionnant aux gaz R-12 ou R-22 : arénas et centres de curling du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, mis en œuvre en juillet 2016, reprend cette valeur maximale pour accepter un réfrigérant de remplacement; il faut saluer ce transfert technologique rapide entre nos ordres de gouvernement.
Tableau 1 : Quelques réfrigérants et leurs impacts sur l’environnement
« L'ASHRAE est la seule société technique d'ingénierie à parrainer un programme de recherche d'envergure supporté par les membres. Le plan de recherche 2010-2015 de la société comprenait des éléments visant à faciliter l'utilisation de réfrigérants ayant un faible PRC, à examiner des méthodes pour diminuer la charge de réfrigérant dans les systèmes et à améliorer leur rendement. »
- ASHRAE : Position Document on Refrigerants and Their Responsible Use, p.4
En plus de reprendre les orientations actuelles d’Ottawa et de Washington en matière d’utilisation responsable des réfrigérants, cette position provinciale s’inspire de celle déjà émise par l’ASHRAE en 2012 (voir Figure 1). Il faut s’en réjouir, car les règles et les normes ne devraient jamais être issues des gouvernements, mais plutôt être proposées par les organismes compétents en la matière, comme l’ASHRAE dans le cas de la réfrigération. On peut ainsi compter sur le support des universités et des fabricants, entre autres acteurs intéressés, afin d’assurer la pertinence et la faisabilité de ce qui est demandé, avant la signature des textes de loi et leur mise en application.
L’avenir des réfrigérants étant résolument défini, il appartient maintenant aux gestionnaires de choisir, avec l’aide des leurs professionnels, le meilleur réfrigérant pour leurs installations, en fonction de leurs critères et en tenant compte de l’aide gouvernementale désormais accessible à l’ensemble des offres sur le marché. Bonne chance aux gestionnaires qui sont à l’aube de ces prises de décisions majeures et bon succès à ceux et celles qui sont déjà engagés dans leurs projets! Si ce n’était déjà le cas, vous savez maintenant que ces ressources existent et qu’il vous appartient de les utiliser à leur plein potentiel, à votre bénéfice, au bénéfice de vos utilisateurs et surtout à celui des prochaines générations.
SOURCES
Infobec, février 2017 et L’AQAIRS vous informe !, octobre 2016
RÉFÉRENCES
ASHRAE - Position Documents