Par Mariline Fréchette et Adam Fecteau, comité édition
Lundi le 16 janvier 2016 dernier, avait lieu la soirée réfrigération, nous avons eu le plaisir d’accueillir M. Philippe Simard, chercheur au sein du groupe de recherche CanmetÉnergie de Ressource Naturelle Canada, qui est venu nous présenter en conférence technique, le concept d’éjecteur dans un contexte de système de réfrigération. Puis, pour la conférence principale, M. Joe Sanchez, directeur de l’ingénierie chez Bitzer USA, est venu nous parler des dernières tendances relatives à l’utilisation du dioxyde de carbone (CO2) comme réfrigérant.
Conférence technique
L'éjecteur dans les systèmes de réfrigération par M. Philippe Simard, M.Sc.A.
Bien que les éjecteurs, aussi connus sous le nom d’injecteurs ou pompes à jet, aient fait leur apparition en 1858 dans les systèmes de pompage pour les locomotives, ils étaient jusqu’à présent absents des systèmes de réfrigération contemporains. Depuis quelques années, les éjecteurs ont commencé à faire l’objet d’études en efficacité énergétique, et ce principalement en Europe où plus de 100 projets sont présentement à l’étude.
Image 1 : concept de l’éjecteur
L’image 1 montre le concept de l’éjecteur. L’éjecteur est un dispositif, sans pièces mobiles, servant à comprimer un liquide à partir d’un autre liquide à pression plus élevée. L’éjecteur utilise l’énergie emmagasiné dans le fluide primaire sous pression combinée à un système de tuyères pour entraîner et comprimer un second fluide à basse pression. Les éjecteurs peuvent atteindre des ratios de compression de l’ordre de 2 à 3.
En fonction, l’éjecteur fait passer le fluide à haute pression, c’est-à-dire, le fluide primaire, dans le col de la tuyère primaire et ce à des vitesses soniques. Par des principes thermodynamiques, le fluide accélère dans la partie divergente de la tuyère pour atteindre des vitesses supersoniques et quitter la tuyère primaire. La pression du jet de fluide primaire à vitesse supersonique se retrouve inférieure à cette du fluide à basse pression, c’est-à-dire, le fluide secondaire. La basse pression du jet entraine donc le fluide secondaire dans la tuyère secondaire où les deux fluides, le primaire et le secondaire, se mélangent et atteignent une pression supérieure à celle du fluide secondaire. L’image 2 montre les profiles des pressions atteintes en fonction de la position dans l’éjecteur.
Image 2 : Graphique de la pression des fluides en fonction de la position.
La performance des éjecteurs se caractérise par deux paramètres, soit le taux de compression τ et le taux d’entrainement ω. Le taux de compression τ se veut le rapport entre la pression de sortie de l’éjecteur et la pression du fluide secondaire. Le taux d’entraînement ω se veut le rapport entre le débit de fluide à la sortie de l’éjecteur et le débit de fluide primaire.
τ = Psortie / Psecondaire et ω = ṁentrainé / ṁprimaire
L’éjecteur pourrait être utilisé dans plusieurs applications de réfrigération comme pour remplacer un compresseur dans un cycle de compression de base ou encore dans un système de climatisation solaire. L’éjecteur peut également être utilisé afin de récupérer l’énergie de détente dans une thermopompe ou dans un système de réfrigération CO2 transcritique1.
Dans un cycle de compression de base, l’éjecteur agit à titre de compresseur. L’image 3 montre le schéma d’un cycle de compression de base avec éjecteur. La présence d’un générateur et de sa pompe est immédiatement remarquée. Il s’agit d’une composante qui ajoute de l’énergie au fluide afin d’augmenter sa pression d’emmagasiner l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’éjecteur. On établit alors la performance d’un tel système à l’aide de deux coefficients de performance, l’un thermique et l’un électrique.
COPth = qevap / qgen et COPel = qevap / Wpompe
Image 3 : cycle de compression de base avec éjecteur.
L’organisme CanmetÉnergie étudie présentement un système de climatisation solaire qui inclut un éjecteur à leurs propres bureaux. L’image 4 montre le schéma du système. L’énergie du générateur, nécessaire au bon fonctionnement de l’éjecteur, provient d’un système de capteurs solaires utilisant une huile spéciale comme fluide caloporteur. Un point intéressant à noter est que le condenseur doit être dimensionné pour évacuer la chaleur provenant de l’évaporateur, mais également celle provenant du générateur. Le système présenté a un COPel = 22.9, qui est largement supérieur à un système plus standard.
Image 4 : système de climatisation solaire
L’éjecteur pourrait également être utilisé pour récupérer l’énergie de détente d’un système de climatisation plus standard. L’image 5 montre un schéma où un éjecteur est utilisé pour récupérer l’énergie de détente à la sortie du condenseur. Ce principe nécessite l’ajout d’un réservoir séparateur. L’éjecteur peut être vu comme étant un premier stage de compression.
Image 5 : schéma avec éjecteur récupérateur d’énergie de détente.
L’éjecteur, bien qu’étant une technologie datant du milieu du 19e siècle, en est encore à ces premiers pas dans le monde de la réfrigération. Puisque son utilisation est encore très dispendieuse, on le voit uniquement dans des projets d’étude en efficacité énergétique, domaine de recherche où l’Europe semble en nette avance sur l’Amérique de Nord.
RÉFÉRENCES
1: Le cycle transcritique est un cycle thermodynamique dans lequel le fluide utilisé peut se trouver en dessous et au-dessus de son point critique.
Conférence principale
"Advancements in CO2 Transcritical Systems", par Joe Sanchez, Engineering Manager, Bitzer, US
En deuxième partie, nous avons reçu M. Joe Sanchez dont la présentation portait sur CO2 employé comme gaz réfrigérant. M. Sanchez a débuté en détaillant les caractéristiques du CO2 qui est un gaz non-toxique et ininflammable appartenant au groupe A1 du Designation and Safety Classification of Refrigerants de l’ASHRAE. Il est sans danger pour la couche d’ozone et possède un indice PRG 2 de 1. Aussi, M. Sanchez précise que pour les gaz réfrigérants, un indice PRG bas, signifie aussi un indice d’inflammabilité plus élevé. Ceci s’explique par le fait que généralement, plus un gaz est réactif, plus il se dégradera rapidement lorsqu’il sera libéré dans l’atmosphère, et donc moins il aura d’impact sur le réchauffement climatique à long terme. Le CO2 est aussi un gaz facile à extraire et peu coûteux, mais surtout, il n’est pas sujet à élimination progressive comme beaucoup d’autres gaz réfrigérants actuellement sur le marché. C’est donc une solution intéressante à moyen et à long terme pour la réfrigération, notamment pour les applications commerciales.
Ceci s’explique par les propriétés physiques uniques du CO2 qui sont :
- Une conductivité thermique élevée;
- Une bonne pression « disponible », c’est-à-dire qu’une perte de pression a peu d’effet sur la température de saturation et que les températures minimales de condensation sont basses;
- Un indice de viscosité bas. Ceci fait du CO2 un bon réfrigérant secondaire pour parcourir de grandes distances, car les pertes de charges sont faibles;
- Une grande capacité thermique volumétrique et donc un bon potentiel de refroidissement permettant de réduire la capacité des compresseurs;
- Un point triple élevé et un point critique bas. Ceci réduit la fenêtre d’applications et pose des défis en ce qui a trait à l’efficacité. Les gradients d’enthalpie sont élevés pour dégager de la chaleur sensible.
Puis, M. Sanchez poursuit en décrivant les usages du CO2 qui est utilisé en réfrigération depuis le XIXe siècle. Il précise aussi que peu importe le cycle, pour être viable, le taux d’humidité du CO2 doit être très bas. D’abord, il faut distinguer 3 types de compresseurs :
- Les compresseurs conventionnels (standard) qui ne sont pas au CO2 → pression maximale typique de 406 psi (28 bar);
- Les compresseurs sous-critiques (Subcritical) au CO2 → pression maximale typique de 768 psi (53 bar);
- Les compresseurs transcritiques (Transcritical) au CO2 → pression maximale typique de 2320 psi (160 bar).
Les usages du CO2 comme réfrigérant sont multiples, notamment comme :
- Fluide secondaire pour des compresseurs conventionnels (basses et moyennes températures);
- Fluide primaire pour les compresseurs sous-critiques au CO2 (basses températures) en cascade avec un compresseur standard (températures moyennes) qui emploie un autre réfrigérant
- « Booster » en combinant des compresseurs sous-critiques au CO2 (basses températures) et des compresseurs transcritiques au CO2 (températures moyennes)
- Fluide à moyenne température pour des compresseurs transcritiques au CO2 (par ex. les arénas)
- Pompe à chaleur au CO2 et en opération transcritique.
M. Sanchez précise que pour une opération sous-critique, il faut réduire le plus possible la température de condensation pour maximiser le coefficient de performance (C.O.P.) obtenu. Qu’en est-il du C.O.P. pour les processus transcritiques? Il sera maximisé en réduisant le plus possible la température au refroidisseur tout en assurant une pression optimale élevée (voir image 6). Lorsqu’utilisé comme pompe à chaleur, le COP sera maximum lorsque les températures de l’eau sont basses (forte demande en chauffage), par exemple pour des installations hôtelières, des bains chauds, etc.
Image 6 : variation du C.O.P. pour un cycle transcritique
Selon M. Sanchez, la prochaine génération de systèmes employant des compresseurs au CO2 transcritique combinera plusieurs technologies dont le sous-refroidissement mécanique, la géothermie, les refroidisseurs adiabatiques, la compression parallèle et les éjecteurs. Il faut aussi mentionner les méthodes de régulation. Plus la pression de succion sera proche du point de consigne, meilleure sera l’efficacité obtenue. Les variateurs de fréquences sont des solutions intéressantes, mais encore coûteuses.
En bref, l’utilisation du CO2 comme réfrigérant a contribué à l’élaboration de nouveaux designs semblables aux cycles d’ammoniac industriel. Il faut être vigilant dans le design des systèmes au CO2 avec surpression (« booster ») qui sont beaucoup plus complexes que les systèmes conventionnels. Nous l’avons vu, le CO2 permet d’atteindre une bonne efficacité dans les climats tempérés comme le Québec. À ce jour, les applications les plus courantes des cycles transcritiques sont les supermarchés et les dépanneurs, les pompes à chaleur, la génération d’eau chaude et la production de froid dans les arénas. Pour M. Sanchez, plus la technologie sera améliorée plus nous verrons de nouvelles applications voir le jour. L’utilisation du CO2 est en mouvement!
RÉFÉRENCES
2: potentiel de réchauffement global (PRG) ou en anglais Global Warming Potential (GPM).
Voici un aperçu des différents présentoirs de notre dernière soirée
bitzer
Alexandre St-Charles, Joe Sanchez, Ronald Beaulne
emerson
Josh Ford, Alan Simchick, François Aucoin, André Patenaude, Alain Mongrain, Yvon St-Gelais
Enviroair
Richard Boivin, Étienne Séguin-Dupuis
Entreprises de Réfrigération LS inc
Sylvain Sergerie, Marc-André Ravary, Jonathan Lebeau, Martin Magny, Aliosche Marino Sanchez