La Virtualisation du Parc de Bâtiments Québécois : un pas vers la Transition Énergétique

La Virtualisation du Parc de Bâtiments Québécois : un pas vers la Transition Énergétique

Par Kathleen Neault, ing.

Dans le cadre de ses objectifs de décarbonation, le Québec s’est fixé des objectifs ambitieux: une réduction de 37,5 % des émissions de GES par rapport à 1990 et la neutralité carbone en 2050. Ces objectifs de décarbonation nécessitent l’électrification dans l’ensemble des secteurs de consommation d’énergie, ce qui met et mettra de plus en plus de pression sur le réseau électrique.

Dans ce contexte, Hydro-Québec a déposé son plan d’action 2035 qui place la performance énergétique de sa clientèle parmi ses priorités. Ce plan s’accompagne d’un objectif de 21 TWh en mesures d’efficacité énergétique chez les clients résidentiels, commerciaux, institutionnels et industriels à atteindre d’ici 2035. L’atteinte de cet objectif nécessite le développement d’outils permettant l’évaluation de l’impact énergétique de ces mesures sur le bâti québécois en tenant compte de ses spécificités.

Pour répondre à ce besoin, Hydro-Québec et ses partenaires (MELCCFP, Polytechnique Montréal et l’Université Concordia) développent actuellement des modèles énergétiques permettant de représenter le parc de bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels du Québec.

Représentation numérique du parc de bâtiments

La représentation numérique du parc de bâtiments québécois vise le développement ou la génération automatique de modèles énergétiques permettant d’obtenir par simulation les besoins énergétiques des bâtiments du Québec. Ces modèles peuvent être regroupés en quatre grandes catégories (Langevin et al., 2020) :
  • Approches descendantes utilisant des modèles basés sur les données;
  • Approches descendantes utilisant des modèles d’ingénierie;
  • Approches ascendantes utilisant des modèles basés sur les données;
  • Approches ascendantes utilisant des modèles d’ingénierie.

Les approches ascendantes visent à modéliser les bâtiments individuellement puis à agglomérer les résultats de simulation pour représenter adéquatement le parc de bâtiment. À l’opposé, les approches descendantes modélisent directement le parc de bâtiment pour, par la suite, raffiner l’analyse, par exemple par secteur de bâtiments. Dans une autre facette du problème de modélisation d’un parc de bâtiment, les modèles basés sur les données (dits « black box ») utilisent directement des données colligées avec des modèles qui ne sont pas basés sur des équations dérivées de la physique pour modéliser les résultats d’intérêts. Les modèles d’ingénierie (dits « white box »), eux, sont à l’antipode des modèles basés sur les données. Ils nécessitent une représentation détaillée des équations touchant le bilan thermique, le rayonnement, le transfert de chaleur et de masse, etc. La Figure 1 illustre ces différents types de modèles en plus des différentes dimensions du développement d’un modèle énergétique de parc de bâtiments.

 
Figure 1. Classification des modèles de parc de bâtiments proposée par Langevin et al. (2020)
La prédiction de l’impact énergétique de mesures ou de nouvelles technologies qui ne sont pas actuellement dans le parc de bâtiments québécois est nécessaire pour Hydro-Québec et les pouvoirs publics. En effet, ces modèles permettent d’analyser et de quantifier l’impact de diverses mesures innovantes dans le secteur du bâtiment, e.g. la rénovation profonde de l’enveloppe de bâtiments ou l’adoption de nouvelles technologies de pompes à chaleur ou de gestion de la recharge des véhicules électriques. Ceci nécessite l’utilisation de modèles blancs. À cette fin, plusieurs modèles énergétiques du parc de bâtiments sont actuellement développés par Hydro-Québec et ses partenaires et prennent plus précisément deux formes :
  • D’abord, une représentation du parc par archétypes;
  • Ensuite, une représentation du parc par génération automatique d’un échantillon obtenu sur la base de statistiques relatives à sa composition et ses caractéristiques (enveloppe, systèmes CVCA, occupation, etc.).

Représentation du parc par archétypes

Un archétype est un bâtiment ayant des caractéristiques énergétiques typiques pour un segment de bâtiments ayant une vocation donnée, e.g. une maison unifamiliale détachée, un édifice multi logement de grande hauteur, un immeuble à bureaux de taille moyenne ou une petite école. La modélisation du parc de bâtiments avec des archétypes nécessite d’identifier les archétypes permettant de représenter les différentes vocations désirées et de développer un modèle énergétique pour chaque archétype en utilisant des caractéristiques énergétiques adéquates. Les résultats de simulation des archétypes sont par la suite combinés en suivant une logique prédéfinie afin de représenter le parc de bâtiments du Québec. Hydro-Québec et ses partenaires (MELCCFP, Polytechnique Montréal et Université Concordia) développent actuellement plusieurs modèles énergétiques d’archétypes accessibles dans un dépôt public en ligne. La Figure 2 illustre plusieurs des modèles en cours de développement.

 
Figure 2. Exemples d’archétypes parmi les modèles résidentiels (48 modèles disponibles actuellement) et commerciaux-institutionnels (14 modèles disponibles actuellement) développés


Représentation du parc par génération automatique

La génération automatique requiert le développement d’un code informatique générant des milliers de modèles selon certaines fonctions programmées. L’échantillon de modèles énergétiques ainsi obtenus est une représentation plus diversifiée et représentative du parc de bâtiments. Le développement du code permettant ceci est toutefois complexe et nécessite l’accès à beaucoup d’informations et de données nécessaires pour représenter, calibrer et valider adéquatement les caractéristiques énergétiques des bâtiments modélisés, notamment des profils de consommation énergétique de divers usages.

Hydro-Québec développe actuellement un outil de génération automatique de modèles énergétiques du parc résidentiel québécois basé sur un outil américain (ResStock). La Figure 3 illustre les principales étapes de la méthodologie utilisée dans cet outil de génération automatique de modèles énergétiques résidentiels, soit :
  • La caractérisation du parc de bâtiments, soit les statistiques les plus détaillées possibles permettant de définir les propriétés du parc de bâtiments (types de bâtiments, périodes de construction, systèmes CVCA, occupation, etc.);
  • L’échantillonnage, c’est-à-dire la création, sur base des statistiques discutées précédemment, d’un jeu de bâtiments (et plus spécifiquement ses caractéristiques) représentatif du parc;
  • La génération des modèles énergétiques sur base des propriétés du jeu de bâtiments créé précédemment;
  • La simulation en parallèle des lots de modèles;
  • La visualisation et valorisation des résultats de simulation.
 
Figure 3. Schéma de fonctionnement de ResStock adapté de la documentation technique de ResStock v3.3.0
Jusqu’à présent, les travaux se sont focalisés sur :
  • La régionalisation des intrants afin de simuler un parc plus représentatif de la réalité québécoise, notamment en se concentrant sur la localisation (fichiers météorologiques), la géométrie des bâtiments (type, superficie, etc.), l’enveloppe, les systèmes CVCA et l’utilisation des équipements;
  • Une première validation en comparant avec des données réelles de consommation (sans calibration) qui a mené à des résultats prometteurs donnant des ordres de grandeur similaire en termes de consommations énergétiques totales annuelles;
  • Une première application de mesures (abaissement de consigne de 1°C, implantation de pompe à chaleur géothermique et combinaison des 2 mesures précédentes) donnant un premier aperçu des capacités de l’outil à quantifier l’impact de mesures sur le parc de bâtiments. La Figure 4 présente une comparaison des distributions des gains en consommation annuelle totale des mesures citées précédemment. Ceci permet de mettre en évidence les gains individuelles de chaque mesure mais, également, de voir les effets combinés en considérant les effets croisés des mesures. En effet, les gains de la combinaison de 2 mesures sont inférieurs à la somme des gains obtenus individuellement par ces mêmes mesures.
 
Figure 4. Comparaison des distributions des gains en consommation énergétique totale annuelle de 3 scénarios d’implantation de mesures et mise en évidence de l’impact des effets croisés des mesures

Les travaux sont actuellement en phase active de développement et ont, à terme, vocation à être partagé publiquement (les résultats mais aussi les modèles).

Conclusion

Hydro-Québec et ses partenaires universitaires (Université Concordia et Polytechnique Montréal) et institutionnels (MELCCFP) développent des modèles énergétiques afin d’évaluer l’impact de mesures d’efficacité énergétique à l’échelle du parc complet de bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels. Ce modèle global du parc de bâtiments a vocation à tracer les trajectoires de transition énergétique du secteur du bâtiment selon divers scénarios et à faciliter la prise de décision pour atteindre plus aisément nos objectifs de décarbonation.

Les modèles développés dans le cadre de cette collaboration ont vocation à être publiques (déjà des modèles disponibles ici) et à bénéficier à la communauté de modélisateurs du Québec.

Auteurs

  • Gilbert Larochelle Martin (1), ing. M.Sc.A Ph.D.
  • Simon Sansregret (1), ing. M.Sc.
  • Benoit Delcroix (1), Ph.D.
  • Brice Le Lostec (1), Ph.D.
  • Cédric Daval (2), ing.
  • Christian Chabot (3), ing. M.Sc.
(1) Centre de Recherche d’Hydro-Québec, Laboratoire des Technologies de l’Énergie.
(2) Hydro-Québec, Direction Offres Énergétiques Affaires.

(3) Gouvernement du Québec, Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements Climatiques, de la Faune et des Parcs, Bureau de la Transition Climatique et Énergétique.

Annexe – Présentation du LTE

Situé à Shawinigan, le Laboratoire des Technologies de l’Énergie (LTE) est l’un des deux sites du Centre de Recherche d’Hydro-Québec (CRHQ). Le LTE mène des projets visant à optimiser la consommation d’énergie des secteurs résidentiel, commercial, institutionnel et industriel. Les installations et les équipements de pointe du LTE servent également à réaliser des tests et des essais dans le but de développer de nouvelles technologies et d’évaluer la performance d’options prometteuses en matière d’efficacité énergétique et de gestion de la puissance. C’est le cas, par exemple, des thermostats électroniques, de la domotique, de la géothermie et des thermopompes.

 
Figure 5. Laboratoire des Technologies de l’Énergie (LTE) à Shawinigan.

Références

Langevin, J., Reyna, J. L., Ebrahimigharehbaghi, S., Sandberg, N., Fennell, P., Nägeli, C., Laverge, J., Delghust, M., Mata, É., Van Hove, M., Webster, J., Federico, F., Jakob, M., & Camarasa, C. (2020). Developing a common approach for classifying building stock energy models. Renewable and Sustainable Energy Reviews, 133, 110276. https://doi.org/https://doi.org/10.1016/j.rser.2020.110276

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